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(Note de lecture), Friederike Mayröcker, "Scardanelli", par Jean-Pascal Dubost


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Posté 12 juillet 2017 - 08:57

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<p class="blockquote MsoNormal" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: right;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <br /> « Car câest une charge douloureuse que le malheur,<br /> Mais celle du bonheur est plus lourde encore »<br /> Friedrich Hölderlin (« Le Rhin »)<br /> <br /></span></p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...e2416970d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Mayrocker Scardanelli" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201bb09ae2416970d img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201bb09ae2416970d-50wi" style="width: 50px; margin: 3px 15px 5px 0px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Mayrocker Scardanelli" /></a>Le livre sâouvre sur un poème daté du 6.6.89, « Tour Hölderlin, sur le Neckar, en mai », sur une visite intérieure de la tour où le poète allemand passa les 35 dernières années de sa vie, à Tübingen. Le poème suivant est lui daté dâoctobre 2004, et évoque probablement Ernst Jandl, le compagnon mort en 2000 : « <em>mâeffraie parfois de ce que celui à qui je/parle nâest pas là</em> » ; la coupure du vers est le hoquet du sanglot. Ces deux poèmes liminaires définissent lâaxe du livre : un tissage intérieur poétique avec lâÅuvre de Hölderlin pour dire en toute pudeur le manque que provoquent le deuil et la douleur. <br /> <br /> La suite du livre est un journal-poèmes, celui de lâannée 2008, et suit le <em>cours de la vie</em>. Scardanelli fut le nom que sâattribua Hölderlin pour signer ces poèmes quâon qualifia comme ceux de la folie. Le choix de cette signature demeure un mystère encore objet de moult supputations. Mais subtilement la poète autrichienne reprend plusieurs motifs qui parsèment lâÅuvre de Hölderlin quâelle tisse dans son rythme. Ainsi les fleurs, qui constituèrent la pharmacopée du poète souffrant (comme le rappelle le préfacier Marcel Beyer : « <em>Hölderlin a été soigné, après son internement à la clinique dâAutenrieth mi-septembre 1806, avec des infusions de feuilles de belladone et de digitale</em> »), les fleurs, nombreusement présentes dans les poèmes de la poète, distillent, elles, une pharmacopée poétique personnelle, qui, associées à cet autre motif hölderlinien, le printemps, insufflent du vivant dans lâesprit de la poète qui demeure en proie à la mélancolie du deuil. On pourrait relever à lâinfini les motifs de Hölderlin tissés dans les poèmes de Mayröcker, sinon les reprises. Et si on étire les références, et ose des rapprochements risqués, ces poèmes, dans leur façon, sont des « fleurs de style », des fleurs de rhétoriques dâaucun artifice, et on ne sera pas sans penser, quâen sorte, en leur évocation de lâamant loin, ils composent en soi une rhétorique dâamour courtois, un <em>Jardin de Plaisance et de fleurs de Rhétorique</em><sup>2</sup>.<br /> <br /> Le rythme des vers rappelle celui de la prose de <em>brütt, </em>et de<em> CRUELLEMENT là<sup>1</sup></em>, qui serait coupée arbitrairement. Une prose qui procède par rapides télescopages, parataxes, raboutant faits, paroles, pensées, et abrégeant les mots, en un apparent flux de conscience immédiat (qui parfois rappelle une Mrs. Dalloway marchant dans la littérature), car malgré la douleur, la vie afflue ; « <em>pourtant/je tâépousais</em> », rappelle-t-elle cependant ; épousant aussi bien chaque jour son compagnon de vie quâépousant lâÅuvre de Hölderlin. Scardanelli câest Hölderlin disparaissant en lui-même ; et la métaphore de celui qui a disparu, est devenu fantôme de chaque minute : dans cette présence du pronom personnel 2<sup>ème</sup> personne qui hante les poèmes, à qui sâadresse la poète. Cette prose coupée file vite, quoique vacillante, car malgré tout la poète reste angoissée par lâidée de la mort, et absorbe le monde dans la plus large amplitude possible :<br /> <br /> « [â¦] <em>Je suis si triste désormais et jâai peur de<br /> quitter ce monde que jâai tant aimé avec ses bourgeons<br /> buissons arbres lunes et ses merveilleuses créatures <br /> nocturnes. Ma vie fut trop courte pour mon rêve de vie</em> »<br /> <br /> Ce que puise Friederike Mayröcker dans les derniers poèmes de Hölderlin est probablement une force et foi similaire, dans lâécriture, dans lâamitié (les dédicataires des poèmes), quand le « <em>bord du gouffre</em> » est à deux pas, et quâon sent palpable dans lâallant des poèmes, au bout de chaque vers.<br /> La savante construction des poèmes est accompagnée par une brillante préface de la traductrice, Lucie Taïeb, et une non moins brillante lecture de lâécrivain Marcel Beyer, proposant des pistes de lecture qui ne sont des voies uniques, car ce livre est dâune richesse enivrante.<br /> <strong><br /> Jean-Pascal Dubost<br /> </strong><br /> <sup>1</sup> Édités par lâAtelier de lâAgneau respectivement en 2008 et 2014.<br /> <sup>2</sup> Anthologie de poésie courtoise parue en 1502.<br /> <br /> <br /> Friederike Mayröcker, <em>Scardanelli</em>, traduction Lucie Taïeb), Atelier de lâAgneau, 2017, 81 p., 17â¬, pp. 16, 24, 25/26 et 43. <br /> <br /> Lire des <a href="http://bit.ly/2t2yedM" rel="noopener" target="_blank">extraits de ce livre</a> choisis par Jean-Pascal Dubost </span></p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"> </p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"> </p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/4w3LBeEvWdE" height="1" width="1" alt=""/>

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