Aller au contenu

Photo

« Le Train »


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 10 juillet 2017 - 02:08

Écrit à Echandens (canton de Vaud, Suisse) et publié en 1961, « Le Train » est un grand roman d'amour et l'un des plus réussis de Georges Simenon

simenon_le_train-96833.jpg
Avec « Trois chambres à Manhattan » et quelques autres, « Le train » est un des grands romans de la passion écrits par Simenon. Pour ce qui me concerne, une fois n'est pas coutume, j'avais vu le film superbe de Pierre Granier-Defferre (1973), avec Romy Schneider et Jean-Louis Trintignant, avant de lire le roman. En pareil cas, le plus souvent, c'est le film qui déçoit, parfois l'inverse. Mais ici, les deux rivalisent dans la finesse et la justesse de la peinture d'un moment passionnel, même si les deux fins diffèrent (celle du film est quasi sublime dans mon souvenir).

Un wagon à bestiaux

Le roman raconte comment l'existence à la fois médiocre et cependant assez satisfaisante d'un petit commerçant, Marcel Féron, mari et père heureux, bascule hors de sa routine ordinaire le jour (le 10 mai 1940) où l'invasion allemande l'oblige à monter dans un train évacuant la région. Séparé de sa femme enceinte et de sa fille (et il le sera plus encore quand le convoi sera scindé en deux trains prenant des directions divergentes), il se retrouve dans un wagon à bestiaux avec d'autres malheureux fuyant les combats. Il est presque satisfait de cet événement qui rompt le cours monotone de son quotidien â un sentiment récurrent chez les personnages de Simenon dont beaucoup ont une conscience plus ou moins aiguë de la médiocrité de leur vie et de leur liberté confisquée.
C'est alors que monte au denier moment une jeune femme sans bagages (dont on apprendra vite qu'elle était incarcérée à la prison de Namur), Anna, qui rompra son silence pour lui demander s'il n'aurait pas de l'eau. Il en trouvera lors d'un des multiples arrêts du train en rase campagne et dès lors, elle le suivra comme si elle lui était reconnaissante de ce geste. La promiscuité des corps, les plaisanteries parfois graveleuses, le mitraillage même du convoi n'indisposent pas Marcel qui se retrouve à partager un coin du wagon, un nid de paille, à côté d'Anna, dont il apprend qu'elle est juive, et donc particulièrement menacée. Ils font l'amour presque sans l'avoir voulu, unis par les circonstances, la solitude et le sens de la précarité de leurs existences. Mais on devine à quelques signes que leur union n'est pas seulement physique : ils vivent une parenthèse dans la guerre, une passion dans un quotidien sans relief pour l'un comme pour l'autre. Tout simplement, ils vivent â enfin.

Une plénitude.

train_film-7bc69.jpg
Le train finit par arriver à La Rochelle (dans une zone que Simenon connaît bien pour y avoir vécu dans cette période) et les deux amants se retrouvent dans un camp avec les autres évacués. Ils connaissent alors quelques jours de plénitude, puis Marcel apprend que sa femme a accouché dans une ville proche et s'y rend. Anna l'accompagne jusqu'à la porte de la maternité où seront prononcés les seuls mots d'amour du roman : « J'ai été heureuse avec toi ».
Marcel va repartir avec sa femme et ses deux enfants dans sa ville du Nord et sa vie de famille bien rodée. Mais Anna ressurgit un an plus tard, au détour d'une rue, pour lui demander en urgence de l'aide. Elle est accompagnée d'un aviateur anglais et traquée par la Gestapo. Marcel a été repris par le train-train bourgeois et craint de perdre son confort et sa sécurité. Il refuse. Anna, fidèle au comportement qu'elle a eu jusqu'alors, n'insiste pas. Elle sera fusilléeâ¦
Tout l'art évocatoire de Simenon est convoqué dans cette peinture d'un amour fou et éphémère. Son style allusif fait merveille pour suggérer des sentiments que la pudeur des personnages interdit de nommer. Leur passion charnelle comme le vertige existentiel qu'elle provoque établit peu à peu sa souveraineté sur une narration toujours sobre sans cesser d'être vibrante. Ce train-là vous emporte !

Michel Baglin

LIRE AUSSI :

Georges Simenon : DOSSIER
Georges Simenon : Tillinac creuse « Le Mystère Simenon » Portrait.
(Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : Des romans-portraits (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : Simenon nouvelliste. (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Le Train » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Le Président » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « L'enterrement de M. Bouvet » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Betty » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Au bout du rouleau » Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Le petit homme d'Arkhangelsk » Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « « Le cercle des Mahé » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « La boule noire » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Le bilan Malétras » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « En cas de malheur » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Le Bateau d'Émile » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Les dossiers de l'Agence O » (Michel Baglin) Lire
Georges Simenon : « Le Petit Docteur » (Michel Baglin) Lire



Voir l'article complet