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(Anthologie permanente) Maja Haderlap


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Posté 26 juillet 2017 - 09:47

6a00d8345238fe69e201b8d299b44e970c-50wiDans le dernier numéro de la revue annuelle Place de la Sorbonne, le numéro 7, Bernard Banoun et Aurélie Maurin ont composé un remarquable dossier consacré à « six poètes germanophones européens », autrement dit des poètes non natifs dâAllemagne mais écrivant en allemand.
Comme la poète Maja Haderlap, issue de la minorité slovénophone de Carinthie et qui écrit en allemand et en slovène.


langue qui rêve
ma petite langue en rêve se
fait un pays où elle construit des nids de mots
pour essaimer par-delà les frontières
qui ne sont pas les siennes. elle veut
croître au-delà d'elle-même, glisser au loin
par les allées fantômes d'eau et de gaz,
plonger vers les fumeurs noirs,
être bâtie pour chaque phénomène
et ses ombres douteuses, chatoyante population
de mots coloniser les hommes,
qui la parlent et l'écrivent, déposer dans ses
pores des larves. ma langue
veut être débridée et grande, elle veut
quitter les angoisses qui la peuplent,
toutes les histoires, les sombres et les claires
où l'on s'enquiert de sa valeur
et de son poids. quand elle rêve seulement
elle s'élève, souple et légère,
au-dessus de sa manière, presque chant encore.

träumende sprache
meine kleine sprache träumt sich
ein land, in dem sie wortnester baut
zum ausschwärmen über die grenzen,
die nicht ihre eigenen sind. sie will
über sich hinauswachsen, durch ferne
geisteralleen aus wasser und gas gleiten,
zu den schwarzen rauchern tauchen,
eine fassung haben für jede erscheinung
und ihre fraglichen schatten, als schillernde
wortpopulation menschen besiedeln,
die sie sprechen und schreiben, in ihre
hautporen larven legen. meine sprache
will ungezügelt und groß sein, sie will
die ängste verlassen, die sie bevölkern,
alle dunklen und hellen geschichten,
in denen nach ihrem wert gefragt wird
und ihrem gewicht. ernst wenn sie träumt,
schwingt sie sich auf, federnd und leicht,
von ihrer art, fast noch gesang.

/

traduire
entre toutes les langues y a-t-il une zone
d'obscurité, rivière noire qui recueille
mots et histoires et les transforme ?
ici les phrases doivent se dépouiller,
apprendre à vadrouiller, à nager,
à ne pas perdre la mémoire nichée
dans leurs corps, noyau secret.
le bleu de l'ancolie sera-t-il un violet
lorsqu'il rejoindra l'autre côté
et la rouge bergamote une poire, d'une douceur
de cannelle ? manquera-t-il une nageoire
à ma tanche dans la lumière de l'autre langue ?
devra-t-elle apprendre à ramper ou marcher droit ?
une langue sait-elle tirer une autre à soi
ou seulement la repousser ? chaque mot peut-il
risquer la traversée, croire
être invulnérable, enduit de poix, acier trempé ?


übersetzen
liegt zwischen allen sprachen eine zone
dunkelheit, ein schwarzer fluss, der wörter
und geschichten aufnimmt und verwandelt?
hier müssen sich die sätze ausziehen,
stromern, schwimmen lernen,
das gedächtnis nicht verlieren, das in ihren
körpern nistet, ein geheimer nukleus.
wird das blau der akelei ein violett sein,
wenn es ankommt auf der anderen seite
und die rote bergamotte, eine birne, zimtig,
süß? wird meiner schleie eine flosse fehlen
im licht der neuen sprache? wird sie kriechen
lernen müssen oder aufrecht gehen?
weiß die sprache eine andere an sich zu ziehen
oder nur von sich zu weisen? kann denn
jedes wort den übergang riskieren, glauben,
es sei unverwundbar, in pech gebadet und gestählt?

Maja Haderlap, extraits de langer transit, Wallstein, 2014, traductions de Bernard Banoun, revue Place de la Sorbonne, n° 7, pp. 160 à 163.

Poète, romancière et essayiste, Maja Haderlap est née en 1961 en Carinthie.

 

 

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