Aller au contenu

Photo

(Note de lecture), Lionel Ray, "Souvenirs de la maison du Temps", par Matthieu Gosztola


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 14 août 2017 - 09:08

 

6a00d8345238fe69e201bb09b8c4b8970d-50wiAujourdâhui ? « Un je-ne-sais-quoi dâazur et de cristal / Câest le diamant du regard sous des cheveux cendrés [â¦] » Hier ? « On vivait à voix haute de fêtes furtives / Et dâinnocence sous le regard radieux / Des saisons souveraines. »
Lionel Ray dont le noir de lâécriture est comme ébloui par le soleil paradoxal de lâécriture et de lâerrance de Rimbaud, soleil fuyant tout recouvert de sources (ainsi quâen témoigne, par exemple, ce titre â magnifique â dâun recueil paru en 1973 : Lâinterdit est mon opéra), a façonné une Åuvre fort intéressante, à rebours de toute volonté de profération, de tout désir dâérection dâune parole qui ne soit pas lâenfant malhabile dâun chuchotis â de plus en plus malhabile, tremblant, humain. Car câest par lâécriture que, recueil après recueil, Lionel Ray poursuit une « quête éperdue du silence ».
Ira dâabord vers le Poésie / Gallimard qui lui est consacré (Comme un château défait suivi de Syllabes de sable, préface d'Olivier Barbarant, 2004) le lecteur désireux de lire, en aveugle, le visage de son écriture, tant lire Lionel Ray, câest se défaire de son regard pour être main doucement posée sur la page, tâtonnant. Dans le noir. Jusquâà ce que se lève une lueur, depuis lâoreille jusquâau cÅur. Mot à mot.
Câest seulement ensuite que pourront être savourés les Souvenirs de la maison du Temps qui, pour certains, semblent cousins de Matière de nuit suivi dâÉloge de lâéphémère (Gallimard, collection Blanche, 2004), pour dâautres, sont, avec certitude, frères de Pages dâombre suivi dâUn besoin dâazur et dâHaïku et autres poèmes (Gallimard, collection Blanche, 2000).
« La cour aux tilleuls qui vibrent parmi les anges / Mon école dâautrefois »â¦ Là se présente, dans un entremêlement dâombres et de chuchotements (qui sont cette façon quâont les souvenirs dâenfance de percer le voile de nos réveils, de nos sommeils, dâavec grâce poser un coude sur la rembarde du temps qui passe), le â si beau â recueil dâune fin de vie (« île simple à la dérive des heures ») qui, par â tout à la fois â lâattention fine (sans relâche) et lâentier lâcher-prise auxquels elle donne forme (sans chercher à donner forme), vient embrasser (dans le sens étymologique du terme), par moments, le sublime.
Comme en témoignent ces extraits choisis :

[â¦] Impalpable comme / Un vol de martinets entre les toits / Comme lâéclat des voix / Ou le miracle dâune source / Impalpable comme lâaccent du secret. // Et la chronique des Heures disparues / La scintillation des chansons anciennes / Impalpable comme lâhorizon du temps / Dans la brume dâune enfance / Au carrefour des échos. [â¦]

[â¦] Été. Lâarbre et lâenfant. / Me voici éveillé / Avec le premier soleil / Et la danse dans un rayon / Des poussières silencieuses. // Je cherche un oiseau qui hésite / Entre les branches. / Les mots sont des aventures / Avec des flamboyances de marbre / Entre fenêtres et tentures. [â¦]

[â¦] Il arrive que des noms à nouveau brillent / Des mots choisis à la dérobée / Feuilles qui bougent petites voix. // Il y a aussi des pierres gravées / Des effondrements des larmes / Et des nuages légers. // Figures et tombes anciennes / La robe sévère dâune église / Et le vent qui froisse les blés. // Le sourire pâle dâune enfance / Un filet dâeau sous la glycine / Le brouillard des heures et des joies // La trace infime dâun oiseau / En plein ciel / Et le silence des croix. [â¦]

[â¦] Câest un chemin flanqué de feuilles / De grands éclats de ciel entre les branches [â¦] // Ici respire une enfance qui fut mienne croyant / Suivre à la trace les passereaux gris ou bleus / Comme des chiffons improbables. // On cherchait lâimpossible le soleil des lointains / On parlait aux peupliers aux nuages aux pierres / Et la vie était simple comme un fruit familier. // On écoutait la musique des arbres / Le frisson des sources la monodie des aubes / Et le jour brûlait comme une flamme. [â¦]  

[â¦] Avec les mots tu fais des paysages / Et câest un champ de pierres imprévisibles / Une floraison brouillonne dâherbes et de nuages // Ce gribouillis ces griffures ces froissements / De routes sinueuses ces rivières violentes / Cet épanouissement des buissons et des brumes // Avec les mots tu ouvres la voie aux migrations / Et câest un surgissement dâhirondelles de sources / Vives de ronces de mousses de corolles [â¦]

[â¦] Des pas sâéloignent comme / Des lumières dans ma nuit. // Voici que sâouvre / La porte des mots / Ce sont des façons de voyage / Au plus profond de soi // Pour remonter le temps / Jusquâau château des contes / Où personne / Ne viendra plus. // Sauf vous qui mâêtes proche / Au vaste champ des chimères / Ce minuit nu / Comme la voix. [â¦]

[â¦] Les mots silencieux /
À peine pensés / À peine écrits / Qui vous ressemblent // On les prononce / Du bout des lèvres / Ce sont ceux-là / Qui font métier de vivre. // En pays inconnu / Ils portent en eux / Des philtres et des rêves / Un ciel continu // Câest la clé du temps / Et le chiffre / Dâun perpétuel présent. [â¦]

[â¦] Nuit en moi nuit sans visage et sans larmes / Je viens vers toi / Tu es mon regard tu es ma source // Il y a une nuit blanche et noire / En chaque parole dite / Il y a une nuit dans la cendre / La trace et lâécho / Aucune ombre un simple souffle [â¦]

Matthieu Gosztola

Lionel Ray, Souvenirs de la maison du Temps, Gallimard, collection Blanche, 2017, 104 p., 14â¬

 

 

ccxnm6suRgM

Voir l'article complet