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Les bouts-rimés


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2 réponses à ce sujet

#1 François Debuiche

François Debuiche

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Posté 19 août 2017 - 08:54

“Dans un article en forme de causerie pour Le Petit Journal auquel il faisait parvenir des correspondances, Dumas raconte avoir hérité d'un lot de papiers de sa sœur Marie, dernièrement décédée. Il y a redécouvert un poème co-signé de lui et de son ami et collaborateur Joseph Méry. C'est le prétexte pour raconter à ses chers lecteurs comment se passaient ces bonnes soirées entre amis au cours desquelles on improvisait des vers à partir de rimes choisies par un tiers.

A ce jeu des bouts-rimés, raconte Dumas, Méry était un as de l'improvisation. Il cite les alexandrins que Méry avait vite pondus à partir de 24 mots plutôt difficiles à agencer dans l'ordre à l'intérieur d'un même texte. Les voici:

 

Femme – Catilina – Âme – Fouina – Jongle – Citoyen – Ongle – Païen – Mirabelle – Mirabeau – Belle – Flambeau – Orestie – Gabrio – Répartie – Agio – Figue – Faisan – Ligue – Parmesan – Noisette – Pâté – Grisette - Bâté.

 

Dumas précise dans une note que Gabrio était le sobriquet affectueux de la comtesse Dash, dont le prénom était Gabrielle.”

 

Voici le poème composé par Méry dans sa version intégrale :

 

En vous voyant ce soir, jeune et charmante femme,

Chez l'auteur d'Henri Trois et de Catilina,

Pour écrire ces vers, la peur glaça mon âme,

Ma plume tressaillit, le poète fouina.

Oui, je regrettai l'Inde, et le Gange, et la jongle,

J'aurais voulu dans Rome être humble citoyen,

Vivre obscur, labourer la terre avec mon ongle,

Et m'appeler d'un nom musulman ou païen.

Hélas! le jardinier greffant la mirabelle,

N'est pas digne, je crois, d'admirer Mirabeau,

Et le poëte nain qui vous trouve si belle,

Est l'aveugle devant la clarté d'un flambeau,

C'est le sourd écoutant les vers de l'Orestie

Ou la divine voix de sa sœur Gabrio;

Ou Dumas aiguisant sa fine répartie,

Ou l'usurier chrétien réduisant l'agio.

Cependant au dessert, entre marron et figue,

Après un beau chevreuil, bien meilleur qu'un faisan,

Je me décide, enfin, contre moi je me ligue,

Et je vous fais ces vers, sablés de parmesan;

Car vous m'avez promis, au lieu de la noisette,

D'un bonbon, d'un gâteau, d'un citron, d'un pâté,

De doux marrons glacés aimés de la grisette,

Aussi bien qu’une reine ou qu’un âne bâté.

 

“Il en profite pour lancer un concours. Le lecteur qui réussira le meilleur poème avec les mêmes bouts-rimés recevra l'original qui porte les rimes de Dumas, le texte de Méry et leurs deux écritures.

 

Il raconte avoir eu la conviction que peu seraient en mesure de relever le défi. Le succès fut tel cependant qu'il se vit incapable de choisir un seul gagnant. Il proposa donc une souscription à un franc aux quelque 200.000 lecteurs du Petit Journal. S'il en obtenait 500, alors il ferait un volume avec tous les poèmes reçus. Sa préface du 9 mars 1865 en forme de causerie témoigne qu'il a obtenu le nombre de souscriptions désirées. D'où ce volume qui reprend l'ensemble des poèmes envoyés par les lecteurs.”

 

Source : http://www.dumaspere.com/pages/dictionnaire/bouts_rimes.html

 

J’ai retenu pour ma part deux textes qui ne déméritent point face à l’improvisation de Joseph Méry, auteur notamment d’un poème héroï-comique intitulé La Villéliade, ou la prise du château Rivoli où l’on retrouve à peu de choses près la même veine humoristique impulsée par Dumas père.

 

La première contribution choisie est en l’occurrence anonyme, dont on ne sait donc rien sinon que l’auteur en serait une femme :

 

L'ignorance est souvent un défaut de la femme,

Et femme, je ne sais rien sur Catilina

Et m'en tourmente peu, mais dans le fond de l'âme

Je voudrais bien savoir l'histoire de Fouina.

— Il faut laisser en paix le tigre dans sa jungle

Dont par droit de naissance il est le citoyen,

Celui qui va gaîment se mettre sous son ongle,

Ne doit pas croire en Dieu plus qu'un fou, qu'un païen;

Pour moi, j'aime bien mieux avec la mirabelle

(De ce nom doit venir celui de Mirabeau)

Faire une confiture aussi douce que belle

Dont le sirop miroite aux lueurs d'un flambeau.

— J'ignore absolument ce que c'est qu'Orestie :

Cela pourrait bien être une autre Gabrio,

— Sans question, comment donner la repartie ?

Et ce n'est qu'aux boursiers que l'on parle d'agio.

Heureusement je vois apparaître une figue

Qui fait mieux mon affaire, ainsi que le faisan.

— En vain, pour m'arrêter je découvre une ligue,

Je n'en goûte pas moins l'onctueux parmesan.

Le reste va tout seul : en cassant la noisette,

Je croque à belles dents un morceau de pâté

Et vais courir les champs, comme fait la grisette,

Sur l’âne que je vois dans ma cour tout bâté.

 

Le second est signé X et se nomme “Pour un autographe à conquérir” :

 

J'abandonne à l'instant mon déjeuner, ma femme ;

Je repousse du bras Rome et Catilina ;

A l'offre de Dumas, je sens bouillir mon âme...

Mais comment me tirer de la rime fouina?...

Ma foi, je l'escamotte en véritable jongle,

Sans m'en croire pour ce plus mauvais citoyen...

Bon!... ma plume perd son bec ; l'encre me souille l'ongle,

Et me voici jurant comme un damné paient...

Je repars... Où en suis-je ?... M'y voici. — Mirabelle...

Inspirez-moi, grand homme, sublime Mirabeau,

Vous qui, sur tout venant, saviez prendre la belle ;

Ma muse n'y voit goutte, allumez son flambeau!...

Ah! c'en est fait de moi... Qu'est-ce que l'Orestie ?...

Que tu viens à propos, sensible Gabrio,

Toi, toujours si subtile en toute repartie,  

Qu'il s'agisse d'esprit, ou même d'agio !

En voici bien d'une autre!... Ici, je vois la figue,

Usurpant sans façon la place du faisan.

Contre ma volonté ma muse enfin se ligue ;

Puis, après le dessert, parler de parmesan,

Et, lorsque a disparu la dernière noisette,

Représenter soudain l'indigeste pâté !..,

C'est fait pour étouffer un moine, une grisette :

Autographe, adieu. Suis-je donc né bâté !

 


#2 bɔētiane

bɔētiane

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  • Une phrase ::"Les mots sont une peinture des choses"

    boetiane.com

Posté 20 août 2017 - 09:54



#3 AURE

AURE

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Posté 21 août 2017 - 08:54