Jeudi 7 février 2013 / 0491
Je ne sais pas voir autrement qu'à l'intérieur de moi-même. Mes yeux ont besoin de cette fonction d'interprétation qu'offre le cerveau, si non, ce que je vois reste inhabité. Que serait un paysage sans l'émotion qu'il suscite. L'émotion cette réaction en chaîne qui nous conduit parfois à l'irrationnel …ou à la poésie.
Mon corps, posé là face à ce qu'il observe n'est qu'un élément du tableau. Mes pieds, l'herbe, la rivière, la colline … plus le regard s'élève, s'élargit, plus le particulier s'intègre dans le général. Ainsi l'herbe devient pré, la rivière long ruban bleu naissant d'un repli de la colline qui s'intègre maintenant à la ligne d'horizon par une succession de moutonnements de plus en plus flous.
Curieusement mes pieds ont disparu. Pourtant je les sens qui prennent l'humidité de la rosée. La vigueur du paysage entre en moi, m'investit de sa force évocatrice, de son évidence comme de son infinie sophistication. Je ne suis plus qu'une de ses extensions.
Alors je m'abandonne. Je ne pense plus. Je contemple. Je n'ai plus de limites bien précises. Grisé d'espace, je suis incapable de décrire à chaud cette merveille d'équilibre et de couleurs. Plus tard, parfois longtemps après, ressurgiront des fragments que bien souvent je ne saurai rattacher à un lieu précis. Des échos s'amalgament, me contaminent, et dissipent partiellement les brumes de la mémoire pour recréer un paysage de fantaisie.