Samedi 16 février 2013 / 0500
Toujours en mouvements ses mains. Elles gomment, elles taillent, elles triturent tout ce qui est à leurs portées. Elles ont pris le pouvoir sur son esprit qui n'entend plus que des lambeaux de conversation. Elles coupent, elles déchiquètent, elles collent. Elles veulent reconstruire tout ce qui existe, ses mains, comme si rien n'était à leurs mesures. Puis d'un seul coup, d'un seul, elles s'arrêtent.
L'enfant se lève, court, jusqu'au tiroir où sont rangées les gouaches, les pinceaux, court jusqu'aux réserves de feuilles blanches, court vers le buffet pour se saisir d'un verre qu'il remplit d'eau, échappe une partie de ses trésors avant de s'installer sur la grande table.
Les mains à nouveau, déjà tachées avant même d'avoir posé la première touche de couleur, couvrent la feuille d'un beau monochrome noir.
Le visage n'est pas crispé, au contraire comme détendu, reposé, mais attentif à ne pas laisser la moindre parcelle de blanc. Rien de ce que je sais de l'enfant n'autorise à des suppositions morbides, des drames familiaux. Aucun signe alarmant, sauf en permanence cette impatience des mains, prolongement d'un corps aux yeux pétillants de malice.
Heureusement ce n'est que de la peinture à l'eau, parce que la table profite de cette impétuosité manuelle. Mais toutes les couleurs, il faut les user jusqu'à la dernière goutte. Alors, avant que la première couche ne soit sèche, c'est au vert d'entrer en action, puis au rouge, au jaune, au … si le noir domine, le résultat est assez surprenant, une sorte de remord de Soulage qui aurait voulu donner sa chance à l'arc-en ciel.
Mais le péché de gourmandise n'est jamais loin.
- un yaourt Nadia ?
- Avec de la confiture ?
- Oui avec de la confiture… C'est moi qui mélange.
À nouveau le ballet des mains. Tourne, tourne la cuillère. Dilemme entre la bouche et les mains. Finalement, c'est la bouche qui gagne.