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(Note de lecture) Petr Král, "Ce qui s’est passé", par Pascal Commère


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#1 tim

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Posté 10 novembre 2017 - 09:52

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<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...cf38a970c-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Kral ce qui" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201b8d2bcf38a970c img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201b8d2bcf38a970c-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 0px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Kral ce qui" /></a>Je ne sais sâil faut prendre le titre au pied de la lettre. Mais comment le prendre autrement ? Toujours est-il quâon arrive après. Après la bataille. Et quelle bataille ! Dâentrée de jeu le ton est donné, dès le premier vers. Et de quelle façon ! Magistrale, quoique sans plus dâhistoires. Un constat, en somme : «  Et voilà soudain il ne reste pas grand-chose⦠» Pas grand-chose ? Rarement litote fut poussée à ce point. Quâon en juge :<br /> <br /> ⦠<em>Nadia fut trouvée noyée<br /> sous une écluse Prokop a fini de respirer malgré la bouteille dâoxygène<br /> Karel Å . a disparu à jamais dans la forêt<br /> Moi-même dâun seul coup dâÅil retourné depuis les boîtes à lettres<br /> vers lâescalier jâai vu se dissiper dâemblée quarante ans de vie en France<br /> </em><br /> Ainsi commence ce long périple â poème dont chaque séquence relate un instant de vie, fait ou geste sans importance, si ce nâest celle que lâécriture lui confère par la distance quâelle instaure entre la chose rapportée et ce quâon en retire, sans parler du phrasé au rythme duquel le poète nous a habitués de longue date. Épopée ordinaire sans héros véritable(s) hormis ces personnages (émigrés pour la plupart comme Král) qui la traversent sans prendre le temps de sây fixer autrement que par un nom, plus souvent un prénom qui, les tenant éloignés, nous les rend proches un instant, semblables à ce quâils sont (ou furent) dans la vie. Une vie ordinaire, avec ses hauts et ses bas, ses fringales et ses manques, ses poussées de désir, ses fièvres, ses lumières comme ses gris, bref tout ce qui constitue et rappelle lâunivers si particulier de Petr Král. Où se confrontent en permanence â comme dans la vie, du reste â le réel le plus prosaïque et le petit miracle de rien qui annonce la merveille. Ainsi passe-t-on du « même Åuf dur » partagé avec les prolétaires à « un diamant égaré » resté « dans lâultime plumier de bois ». On voit par là que la vie ordinaire, pour qui a lâÅil, recèle de secrets, de mystères. Il en ressort une sorte dâétrangeté un rien magique. Car enfin lâévocation dâun passé, certes balayé ici à la vitesse de lâéclair, aurait toutes les chances de lasser le lecteur. Or câest tout lâinverse qui se produit, on est pris dans une narration dont le swing perpétuel nous entraîne, sans jamais nous donner lâimpression dâarriver quelque part. Non que le récit cultive un onirisme statique, au contraire, le but à atteindre est ailleurs. Si même but il y a, hormis le seul qui importe et qui a nom poème. Quâon se gardera bien de définir plus avant, tant les arguments que nous avons à notre portée risquent de se révéler inadéquats pour saisir cette sorte dâincandescence dont fait montre lâart de Král, bien quâil ne mobilise comme à son habitude que des accessoires pauvres, sinon usés. Mais voilà ! « Le monde se révélait en marche ». Tout est là. Dans cet en-avant perpétuel, cette façon de faire front aux évènements sans jamais larmoyer. Le contexte nâest pas si drôle pourtant. Mais il y a chez Král un tel art de la fulgurance, qui marie à merveille la fugacité dâapparition de certains plans à des effets de ralenti extrême ; une occasion pour lui de mettre en cause lâévidence : « Le trottoir dâen face se trouvait parfois plus loin / que lâautre bord de la ville », comme de tordre le cou à toute grandiloquence : «  À Venise en face de chaque quai / sâen trouve un autre ». Usant dâun travelling permanent, lâÅil de Král sâempare du monde à la façon dâun frisson. Rien nây est jamais immobile, saisi à lâinstant qui précède sa disparition. Une disparition anticipée, probable du fait même du déplacement du regard â on dirait bien de la caméra â, à lâimage des corps arrachés à un plaisir furtif. Dâoù cette sensualité à fleur de mots, des plus discrète pourtant et dont on ne prendrait garde si une attention de chaque instant aux détails les plus réalistes, les plus inattendus aussi, mais combien révélateurs dâun univers urbain qui nâexiste que par ce qui subsiste de lui dans nos mémoires : « Lâentreprise VáÅa [â¦] nâavait laissé ici que la signature calligraphique / sur la blanche poignée des chaînettes de chasse dâeau ». Comme dans la vie on passe du salon aux toilettes, et vice versa. Comme on passe du proche au lointain, de ce qui semble immuable à ce qui risque à tout instant dâêtre balayé par « lâéclipse fatidique ». Pour vagues quâelles soient et si peu appuyées, ces résurgences du quotidien nâen évoquent pas moins le souvenir dâune Histoire dont le tragique nâest pas absent. Un tragique qui ne se dit pas comme tel, ramené à sa dimension (tristement) quotidienne : « Quelque part à lâautre bout du courant dâair / on exécutait quelquâun ». Cela dit comme ça en fin de strophe, rien de plus, comme si le gris de lâépoque affectait la vie même, dans ce quâelle a de plus ordinaire, de plus dérisoire : « Personne nâétait obligé de se laisser distraire / par une recherche personnelle tous passaient paisiblement leur temps / à se tenir debout dans une queue commune ». Où lâon retrouve lâanonymat des foules, le caractère grégaire des uns et des autres qui sert ici de toile de fond à lâévocation de ces années passées loin de son pays dâorigine et de lui-même en quelque sorte, maintenant quâil a regagné sa Prague natale et que lâimparfait donne à ces instants arrachés à la brume des jours ordinaires la saveur retrouvée dâune jeunesse ardente. Alors « Parler ou bien se taire », quand seul importe de « ne mettre jamais le point final ». On se le tient pour dit.<br /><br /><strong>Pascal Commère</strong><br /> <strong><br /> </strong>Petr Král, <em>Ce qui sâest passé</em>, Peintures de Vlasta Voskovec, le Réalgar (<em>collection lâOrpiment</em>), 2017, 56 p, 14 â¬.</span></p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"> </p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/7heyTCn9tWk" height="1" width="1" alt=""/>

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