Mardi 11 juin 2013 / 0615
Le pessimisme est un vice que je pratique parfois. Il n’est pas bien difficile de définir un triste avenir à partir d’une situation désespérée. Un environnement scolaire peu favorable, une famille au bas de l’échelle sociale vivotant d’aides publiques et de petits boulots, une base linguistique avec quelques mots pour l’indispensable et guère plus pour le reste, 1500 à 2000 tout au plus. L’essentiel des sorties extérieures dans les supérettes à bas prix, une longue liste de handicaps pèse sur les enfants … ils garderont toute leur vie ce langage de cinq ans que viendront agrémenter quelques compléments pratiques tel que : allocations familiales, chômage, RSA, carte bancaire, découvert, loto, seuls ajustements qui leur soient nécessaires.
Petits, les enfants ne ressentent pas cette discrimination du milieu. Ils sont les rois de la télécommande. Ils font ce qu’ils veulent, ne mangent que ce qu’ils aiment et sont tout contents de ramener un 10/10 à une récitation dont ils n’ont pas compris un seul mot. Le lendemain, ils ont tout oublié. La mémoire ne retient-elle que ce qu’elle comprend ?
Pourtant il y a de belles exceptions et c’est de celles-là dont on parle, uniquement de celles-là. Les autres ne peuvent même pas profiter du sentiment de frustration, c’est un mot qu’ils ignorent. Mais ils ont la rage. C’est elle qui les maintient la tête hors de l’eau, qui leur donne un semblant de dignité vis-à-vis d’eux mêmes.
Le bonheur est bien présent. Il s’exprime dans le clan familial. On y parle en boucle de la première dent du petit dernier, et cette boucle vaut de l’or, comme le dernier match de foot où l’aîné a marqué un but, vaut bien la plus belle coupe de France.
Ce bonheur là nous est étranger, nous n’en voyons que l’apparence. Nous, juste le barreau au dessus de l’échelle dite sociale ou perdus dans ses hauteurs, nous avons l’outrecuidance d’asseoir notre bonheur sur le simple fait de ne pas être comme eux.
Mercredi 12 juin 2013 / 0616
« En dépit de tout, dans le chagrin, dans le danger, dans la terreur, j’ai su dire les raisons noires et blanches de l’espoir. »
Paul Eluard – une leçon de morale – poésie/ Gallimard
