« Le problème qui joue à la fois comme censure et comme appât, câest la représentation. Dès quâon écrit, dès quâon utilise un mot, on est dans la représentation. Et la représentation se substitue évidemment à la chose nommée mais aussi à lâensemble des choses au fur et à mesure que le texte avance. Et je me demande si câest le cas avec la poésie. Il me semble que le poèmeâ¦cette espèce de bourdonnement du vocabulaire qui est dans notre espace mental, il sâagit de lui⦠comment dire ?... il sâagit de faire pleuvoir des mots, en quelque sorte. Parce que lâécriture câest à la fois un acte qui se poursuit, mais câest aussi une position, et une position qui facilite la concentration. (...) Et cette concentration est un acte plus essentiel peut-être que de déposer le premier mot. Et quand le premier mot apparaît, il peut apparaître sans appeler une représentation et entraîner avec lui une espèce de chute verbale qui, je le crois volontiers, est poème. Ensuite cette chute quâon a recueillie sur le papier peut se travailler, mais elle est donnée en quelque sorte, et elle est donnée sans ce souci de la représentation. Elle nâen est pas exempte, évidemment, dès quâon la détaille, dès quâon la travaille. Mais il me semble quâelle en est peut-être indemne au départ. »
Bernard Noël, du jour au lendemain, entretiens avec Alain Veinstein, LâAmourier / INA, 2017, p.338.
Voir l'article complet
