Aller au contenu

Photo

(Note de lecture) Mina Loy, "Il n’est ni vie ni mort" – Poésie complète", par Pierre Drogi


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 02 janvier 2018 - 10:20

 

6a00d8345238fe69e201b8d2cbebbd970c-75wiCe livre réalise simultanément trois conditions rares. Il propose à lâexpérience de la lecture une Åuvre exceptionnelle (diamant de pensée et dâexpression conjointes), dans une traduction à la hauteur du texte traduit, et leur ajoute une nouvelle dimension par une présentation de lâÅuvre véritablement créative, comme un poème ajouté.
Le lecteur peut désormais trouver réunie toute la poésie de Mina Loy â jusque-là accessible en français, dans la même traduction, uniquement en deux volumes, parus jadis aux éditions des Brisants et depuis longtemps indisponibles.
Lâédition actuelle, qui fait tenir sous la même couverture les deux volumes des Brisants et écarte les essais parus séparément, offre de ce fait une nouvelle vision du cÅur de lâÅuvre en en faisant étinceler à la fois toutes les facettes. Le sous-titre « poésie complète » nâest pas de trop et lâimpression de tenir « à la fois » sous son regard et sous le titre choisi la totalité dâun parcours modifie subtilement le rapport quâon peut entretenir avec lâÅuvre. Câest un des paradoxes de lâédition que de créer ou de déterminer la façon dont le lecteur aborde sa lecture. Dâune certaine façon, sans modifier la lettre des textes ni même leur ordre, cette édition les réinvente, leur donne peut-être enfin leur juste place. Fait apparaître de façon éclatante leur cohérence.

Il mâest presque impossible de ne pas penser à Emily Dickinson et à sa définition de la poésie en lisant Mina Loy : « Si un livre rend mon corps si froid quâaucun feu ne pourra plus le réchauffer, je sais que câest de la poésie.
Si je ressens comme si le sommet de mon crâne mâétait arraché, je sais que câest de la poésie. »
Dans le froid boréal quâinstalle lâÅuvre de Loy, cérébral-charnel ou intellectuel-sensible note Olivier Apert, on retrouve la clarté radicale, commotionnante, galvanique de Dickinson.
Ce livre nous fait faire lâexpérience dâune force corrosive, celle de lâesprit, la conscience, aux prises avec le réel, la chair. Non sans cruauté, mais non sans compassion : alliance rare. Dans une lucidité suspendue au-dessus ou comme en dehors de soi.
Il propose, de fait, un mystérieux équilibre â prismatique ? â entre lâesprit et la chair, entre la question du genre et la projection insatiable vers « lâimmortalité » personnelle (dé-genrée ?) â encore tendue néanmoins tout entière vers un amour non « obsolète ».
Quelle cruauté est supportable ? Jusquâà quel degré ? Jusquâà quel point de compassion ?
Dans lâagacement des temps (le sien, le nôtre), Mina Loy offre plus quâun point de vue : un regard traversant, tranchant comme un diamant sur le verre.

Illumination

Ova est seule
dans le jardin

Le ciel très haut
doucement sâapproche
et toute sa
lumière persistante émane dâelle
Sa conscience
naît de lâespace non du corps

Récompense du saint
bonheur indissoluble
à emporter comme une amnésie
dans le long cauchemar
[p. 176]


Pierre Drogi

Mina Loy, « Il nâest ni vie ni mort » â Poésie complète, traduction et présentation par Olivier Apert, éd. NOUS, 2017, 320 )., 24â¬.

 

OhN0HhgENuw

Voir l'article complet