Je reçois en moyenne deux livres par jour. On me pardonnera sans doute de ne pouvoir parler de tous : mes journées et mes nuits n'y suffiraient pas ! J'en suis désolé car beaucoup de ces ouvrages méritent article et soutien. Comment faire ? Je n'ai pas la réponse. Mais je rappelle que Texture bénéficie de la collaboration de critiques qui élargissent le champ des lectures en sympathie, avec Françoise Siri, Jacqueline Saint-Jean, Marilyse Leroux, Max Alhau, Patrice Angibaud, Georges Cathalo, Jacques Morin, Abdelkader Djémaï, Lucien Wasselin, Philippe Leuckx, Jacques Ibanès et d'autres contributeurs plus occasionnels⦠Rendez-vous sur leurs pages en cliquant sur leur nom dans l'onglet « auteurs ».
« Les larmes non pleurées sont celles qui font écrire ». Et en effet, les sept parties qui composent ce recueil - Court-circuit / Les Larmes du Large / Musique des Larmes / Musée des larmes / Cinémathèque des Larmes / Êtrécrire / Celle qui neige - ont toutes une étroite relation aux larmes et à la douleur, celle-ci blessant mais, dit l'auteure, « je chéris cette blessure car elle me relie / à la douleur du monde ».
« Poète et pleureuse sont de même chair » parce qu'elles découlent également de la faille et du manque et surtout parce qu'elles procèdent de la même empathie, qui relie. Pas de pathos ici, la langue est concise, le vers peut se résumer à une seule syllabe, il n'empêche, le propos est lyrique : c'est bien par le partage de la fragilité, de la souffrance que l'on communique avec les autres. Les larmes sont moyen de connaissance d'autrui, et du monde. Et c'est logiquement à travers les arts â la musique, la peinture, le cinéma, l'écriture â qu'elles opèrent et donnent accès à « l'intime obscur » de chacun et de tous.
C'est aussi naturellement qu'elles ouvrent sur l'espace infini, celui de l'aspiration mystique (« Même / Si / Dieu / N' / Existe / pas / Les / Larmes / Sont / La / Trace / De / Dieu / En / Nous ») ou celui de la mer : « il faut chercher les larmes au large ».
Le poème se nourrit de « l'engrais de la douleur ». Il console aussi, sauve peut-être. Mélomane, Michèle Finck travaille les rythmes, les variations, du poème en prose au quasi haïku, ménage ruptures, blancs et syncopes. Également passionnée de cinéma, elle décline les larmes en gros plans sur des visages d'acteurs dans la tourmente, comme elle a décliné les larmes dans les musiques â ces « prières » - des grands compositeurs ou les tableaux des maîtres des musées. Mais pour finir, c'est à la poésie qu'elle donne le dernier mot. Être et écrire ne font plus qu'un : « Êtrécrire ». Les « mots-larmes » aident à « étreindre » et sont « partageables ». Le salut est dans l'acceptation d'« être traversé ». Ce que Michèle Finck propose comme définition même de la poésie.
(Michèle Finck, « Connaissance par les larmes », Arfuyen, 2017, 208 p., 17â¬.)
Lire aussi :
Mes lectures 2018 Mes lectures 2017 Mes lectures 2016 Mes lectures 2015 Mes lectures 2014 Mes lectures 2013 Mes lectures 2012 Mes lectures 2011 Mes lectures 2010Voir l'article complet