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(Note de lecture) Fabienne Raphoz, "Parce que l'oiseau", par Aurélie Foglia


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Posté 31 janvier 2018 - 10:02

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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: center;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"><strong>La raison de lâoiseau</strong> <em><br /> </em><br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...b1c55970b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Fabienne Raphoz parce que l'oiseau" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201b7c94b1c55970b img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201b7c94b1c55970b-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Fabienne Raphoz parce que l'oiseau" /></a>Le ciel, en poésie, menaçait dâêtre saturé et comme obnubilé par lâoiseau, si gorgé de symboles quâil nâexistait plus, ou à peine. Inévitable invité du lyrisme, métaphore immanquable de la voix, pouvait-il encore échapper aux hommes, et à soi ? On pourrait lancer la recension de ces apparitions ailées et les associer à leurs auteurs comme autant dâombres familières, voisines déjà des anges : rossignol romantique, hiboux ou albatros de Baudelaire, cygne de Mallarmé, rouge-gorge de Pichette, entre autres. Les animaux domestiques des poètes sont sauvages, comme les mots. <br /> <em>Parce que lâoiseau </em>de Fabienne Raphoz y revient dans une démarche parallèle et différente qui nâexclut pas le chant, loin de là. Car « <em>le chant précède lâoiseau</em> », comme elle le souligne dâentrée. Qui est plus écouteur quâun poète ? Lâauteure se situe à ce point où le paysage devient territoire : comprenant le corps, faisant de lui lâune de ses composantes tapie, tout entier tendu et attentif dans son devenir-invisible. La posture ancestrale de lâaffût tourne à la chasse aux sons, à une faim nourrissante de formes, de couleurs et de chants. La langue des oiseaux, Fabienne Raphoz la parle, traduisant fidèlement par exemple les cris de la pie-grièche dans des lignes de poésie sonore, lesquelles rappellent un peu <em>Les</em> <em>Zozios </em>de Jacques Demarcq. « <em>Infinie romancière </em>de ses verbes déclaratifs, la pie-grièche <em>kschè-kschè </em>ou <em>tché-tché, tchu-èc tchuèc</em>, quand elle ne <em>grèè grèï</em>, <em>vétt-vétt</em>, <em>hak-chak-chak </em>pas, voire, prend lâaccent de sa Majesté quand elle <em>krew </em>(prononcer crou mouillé, la bouche un peu pincée) ou quâelle <em>chak-chee-charr</em> ». Ou encore cette autre réveillant lâharmonie imitative : « LâHypolaïs polyglotte grince dans les aigus ». <em> </em> <br /> Nommer, alors, câest moins posséder le monde que « naître de <em>concert</em> » dans notre langage. Il sâagit de détresser les trilles et dâidentifier les voix, à la recherche des noms, qui eux aussi chantent et donnent de lâêtre : noms dâespèces, selon la taxinomie de Linné, cités en français et en latin, avec leurs familles et leurs subdivisions, surnoms donnés à ceux qui hantent les lieux, Lady Hulotte, « Front-Blanc » le Rougequeue ou la fauvette dite « Tête-noire », et jusquâau nom décrivant sa propre activité dans lâhistoire. Non pas ornithologue ni bird-watcher, mais ornithophile, eurêka, en écho au nom de cette collection Corti tournée vers la nature, destinée à en capter les échos et la diversité fragile, Biophilia. <br /> Le ciel est vide : tant mieux. Lâespace peut revenir. Nettoyage accompli, on sâaperçoit. Dâun coup dâaile réelle, lâoiseau sâévade des cages de ses allégories. Et on les revoit tous, pour de vrai. Même si on ne peut enregistrer souvent que la ligne filante de leur fuite, par quoi ils se signalent en « <em>cataractant</em> », fantômes légers, entre mirages et obsessions. Car ce réalisme-là est celui de lâobservation patiente, appuyée sur une bibliothèque, que lâauteure dépeint avec humour trimbalée dans une brouette à travers un jardin, et en grande partie inutile. Ce livre de Fabienne Raphoz véhicule des savoirs : informations précises sur les espèces, leurs comportements, leurs migrations. Savoirs personnels qui relaient le dispositif du journal, restitués en première personne parce quâils émanent dâune expérience, de voyages, de lieux intimes (comme ce « pays mental », le Colombier vécu comme refuge et réserve). Savoirs encyclopédiques, puisant avec appétit dans toutes les sources disponibles, livresques et internet. La connaissance nâest-elle pas « lâautre nom de lâamour » ? La prose poétique y prend la netteté du silex dans son efficacité éclairante. <br /> <em>Parce que lâoiseau</em> couvre les différentes régions du monde et dilate les temporalités, passant de lâéchelle individuelle à collective, notamment par la fable. Outre un travail dâappropriation et de vulgarisation scientifiques, Fabienne Raphoz convoque au passage des traditions populaires vieilles de plusieurs siècles, des « contes », autres savoirs occultes, empreints de croyances et de violence. « Ici comme là-bas », les récits du monde traversent les espaces et les temps, de la <em>Plage aux Ptérosaures </em>à lâÉgypte des Pharaons, de la Chevêche dâAthéna à lâAmérique actuelle, pour raconter à la fois lâhybridation de lâhomme et lâoiseau, insistant sur lâimportance cultuelle, métaphysique, de ce nouage dans certaines civilisations, et lâincroyable puissance de prédation de lâhomme, son mode opératoire natif sur terre qui revient à la destruction (directe ou indirecte, par le massacre de masse à moins que lâimportation sur telle ou telle île dâun chat, de rapaces ou de rats). Comment est-on passé de la surabondance à la raréfaction jusquâà lâextinction ? Ce conte est triste, dâautant quâil se décline sous dâinnombrables versions. <br /> Lâoiseau est un éternel migrant auquel lâhomme tend ses filets. Parce quâil fait la bête. Lâhécatombe se poursuit. Quelle est la politique visant lâaccueil de nos frères les oiseaux, qui sont aussi nos ancêtres et nos enfants ? Vers quel tribunal international se tourner ? La poésie postule un geste éthique qui garde le monde ouvert, parce que lâoiseau se joue des frontières. Ce sont les oies qui, partant et revenant chaque année, « proclament lâunité des nations ». Il se trouve que le souci du vivant déborde largement la cause de lâhomme, et le ravage quâil perpètre en supérieur a son envers quâil dissimule mal, celui dâun appauvrissement de la planète jusquâà un suicide sans conscience, « par <em>spécide </em>involontaire â ou délibéré ». Ce que Michel Deguy<em>, </em>dans <em>Écologiques</em>, appelle le géocide. <em>Parce que lâoiseau </em>fait du volatile la raison du monde, son explication suffisante : une sorte de clef sans signification, suffisant à donner accès aux espaces et aux espèces menacés. Suivez le bestiaire, ou cortège dâOrphée. Dans la poursuite des ouvrages précédents, en particulier <em>Jeux dâoiseaux dans un ciel vide</em>, le nouveau livre de Fabienne Raphoz, sans donner de leçons ni jouer les Cassandre, offre un manifeste pour la cause des oiseaux, par la passion que lâauteure leur voue, et par la place quâelle leur libère : montrant quâils sont, eux et non pas les hommes, les authentiques sujets du poème, si petits soient-ils, et désarmés. Et dans ce cas, la raison du plus faible est toujours la meilleure. <br /> <br /> <strong>Aurélie Foglia<br /> </strong><br /> Fabienne Raphoz, <em>Parce que lâoiseau</em>, coll. Biophilia, Corti, 2018, 192 p. 15 â¬<br /> <br /> <a href="http://www.jose-corti.fr/titres/parce-que-l-oiseau.html">Sur le site de lâéditeur</a>, où on peut lire un extrait<br /> On peut lire un <a href="http://poezibao.typepad.com/poezibao/2017/12/anthologie-permanente-fabienne-raphoz-parce-que-loiseau.html">autre extrait</a> dans lâanthologie permanente de <em>Poezibao</em></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"> </p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/Nnl_j5LwjtA" height="1" width="1" alt=""/>

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