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(Brèves de lecture) Epaminondas Gonatas, James Sacré, Sylvie E. Saliceti


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Posté 07 février 2018 - 10:37

 

6a00d8345238fe69e201b7c94da247970b-75wiEpaminondas Gonatas
La crypte
Traduit du grec par Marie-Cécile Fauvin
Po&Psy, 2018
102 p. 12 â¬, édition bilingue
Sur le site de lâéditeur

Un de ces petits livrets très élégants, comme sait en concocter la collection Po&Psy, pour découvrir lâÅuvre du Grec Epaminondas Gonatas (1924-2006), un écrivain qui a vécu en marge de la société, mais sans éluder pour autant la confrontation avec le réel. Ces courts textes ont souvent des accents quasi surréalistes mais Gonatas récusait cette analyse, écrivant que « la composante fantastique que lâon trouve dans [son] Åuvre est en fait lâabsurde, lié à lâambiguïté du réel ». Il est pratiquement inconnu en France et lâon sait gré à la traductrice Marie-Cécile Fauvin de faire entendre cette voix très singulière : « ne cherchez pas dâhorloge, il nây en a pas, car, je vous lâai expliqué, nous sommes dans une grotte profonde. Mais il y a ce grand Åil dans la cage en osier, il y aussi mon cÅur qui sonne les heures et vous guide dans les ténèbres. » Celui qui disait fonctionner par images, instincts, élans fut aussi un grand traducteur : Flaubert, Borges, Supervielle, Leiris, Porchia, Lichtenberg, Bettencourt. « Les oreilles du cheval derrière les buissons sont les capteurs de lâinfini silence universel. »

Florence Trocmé

*

6a00d8345238fe69e201bb09f10b66970d-75wi
James Sacré
Dans la parole de lâautre
Rougier V. éd
56 p., 13â¬


James Sacré est un poète qui écrit avec, dans lâamitié des choses, et avec le lecteur. Dans ces deux suites de poèmes, câest en tant que lecteur quâil écrit dans la compagnie de deux poètes aimés et amis : Antoine Emaz et Gérard Titus-Carmel. Il prend les livres, il en note les titres, ou de poèmes, et vagabonde, flâne dans une phrase, emprunte généreusement (James Sacré est un poète généreux), et réfléchit « la main qui écrit ». Écoutant « la rumeur des livres [â¦] et la continuité des mots », il fait écho à la première et prend « le fil à tirer » de la seconde. La mort pèse dans les mots, mais le mot « vivre » veille au grain, et les mots des autres pèsent leur poids de vie ; le tout en un livret des éditions Rougier très soigné et raffiné, accompagné de six « Petites retombes » de Gérard Titus-Carmel. James Sacré écrit dans lâamitié du monde, mais les poèmes portent une grande inquiétude qui sâefforce néanmoins dâêtre aussi dans lâamitié de la mort, avec élégance et tenue.

Jean-Pascal Dubost

*

6a00d8345238fe69e201b8d2d80f7a970c-75wi
Sylvie E. Saliceti
Je compte les écorces de mes mots
Rougerie, 2013, postface de Bruno Doucey,
71 p., 12â¬


Ici, à Lissinitchi, Ukraine, un silence impensable : deux cent mille victimes juives enfouies sous la forêt et « pas même un écriteau » dit la poète. Plus quâà Birkenau, câest là que la saisit « lâurgence » dâécrire. Refuser ce non-lieu qui conspire à perdre une deuxième fois ces disparus, mémoire enfouie sous les écorces dâarbres comme dans un récit spectral dâImre Kertesz. La poète a pour sÅur de cÅur Rose Ausländer. Même quête des traces : comment oublier le « petit garçon de la forêt qui jouait à renvoyer les poignées de terre » ? Elle lui dédie le recueil. Même quête de la parole en souffrance. Dans le silence de la nature, la poète apprivoise le chant, « berceuse de Lissinitchi », « cantillation », « kaddish ». Pas dâhorizon religieux, le rituel sauvegarde le tissu charnel de lâhumain. Le poème devient lieu, yad où écrire leurs noms, vashem. Mémorial dâune bouleversante et sublime beauté.

Marie-Hélène Prouteau

 

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