elle marchait devant lui, dans la nuit,
frêle, aérienne, à peine réelle
au milieu de la foule anonyme,
mais son regard ne pouvait
se détacher d'elle
elle marchait de plus en plus vite,
comme si elle avait senti une menace
dans son dos
ou si elle tentait de fuir son destin
car ilavait reconnu en elle, à sa nuque
et à la ligne de ses épaules,
la femme tant aimée d'autrefois,
il y avait longtemps, si longtemps
quand elle s'est retournée soudain,
tel un nouvel Oreste plein de crainte
à la pensée de perdre son Eurydice
pour l'avoir regardée trop tôt
sur le sombre chemin des Enfers,
il a fermé les yeux, d'instinct
quand il les a rouverts, l'instant d'après,
elle avait disparu, et, à sa place,
il ne flottait qu'une ombre impalpable,
dans la brume légère du soir
" Ne dis pas à ton rêve qu'il est de paille,
il brûlera au contact de l'air"
( Vénus Khoury-Ghata )