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(Brèves de lecture) Épaminondas Gonatas, Ashur Etwebi, Ivan Akhmetiev


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Posté 17 avril 2018 - 10:02

 

Journée spéciale Po&Psy sur Poezibao avec un ensemble proposé par Jean-Pascal Dubost : en premier lieu trois « brèves de lecture » puis une note plus longue consacrée à Ryôichi Wagô.

Voici donc trois « brèves de lecture » autour de trois livres de la collection princeps de Po&Psy :
Épaminondas Gonatas, la crypte
Ashur Etwebi, Le chagrin des absents
Ivan Akhmetiev, Rien quâune collision de mots


La collection princeps de Po&Psy
La collection princeps de lâassociation Po&Psy, dont le domaine éditorial est hébergé par les éditions érès, publie 3 livres par an sous la forme dâun recueil glissé dans une pochette cartonnée à rabats de couleur vive, suivant le format 10,5 x 15,5. Ce sont essentiellement des Åuvres traduites, couvrant une grande variété de langues, dâépoques et de styles ; la plupart du temps accompagnées dâÅuvres graphiques ou photographiques. Elle comprend actuellement 30 titres.
Ce travail de la collection Po&Psy en matière de traduction (dont lâesprit est développé à lâintérieur de la pochette) méritait une attention à partir des trois dernières parutions, pour accompagner la lecture des Jets de poèmes de Ryôichi Wagô.


6a00d8345238fe69e201bb0a048984970d-75wiÉpaminondas Gonatas, la crypte, 96 p., 12⬠(traduit du grec par Marie-Cécile Fauvin, dessins dâAlexis Akrithakis)

Cet artiste, né en 1924 et mort en 2006, exerçait la profession dâavocat, a peu publié (7 ouvrages), et vivait dans une demeure ancienne ceinte dâun vaste jardin, en harmonie avec tout un peuple de choses insolites, de plantes et de petits animaux. Refusant de se laisser enfermer, de quelque manière que ce soit, dans aucun genre défini, ni dans aucune dénomination (refusant celle de poète), ses textes, entre poésie et prose, poèmes en prose et petits récits, sont le fruit dâune grande liberté dâesprit et de sympathie. Ils libèrent tout un peuple dit inanimé ou prétendument dénué dâintelligence (à lâaune humaine), tout un peuple auquel on ne prête quâune attention négligée. Le poète outre-regarde ce quâon voit, visite un autre monde au cÅur du monde réel, et nous montre un monde fantastique, animé dans lâapparent inanimé ; nous donne accès à notre propre méconnaissance des choses. Ici, les poires dansent, les chaussettes bêlent, les sapins prient, et au-delà des apparences figées, il y a tout un monde. On sait grand gré à cet artiste de nous rouvrir les yeux.


6a00d8345238fe69e201b8d2ebaf22970c-75wiAshur Etwebi, Le chagrin des absents, 96 p., 12⬠(traduit de lâarabe (Libye) par Antoine Jockey, dessins de Yahya Al-Sheikh)

Cet ensemble commence dâune grande force interrogative : « Ne vois-tu pas la peur dans les yeux ? Ne sens-tu pas lâodeur putride des corps ?/Nâentends-tu pas les cris des noyés ? » Câest un poète meurtri par lâhistoire de son pays, la Libye, qui nous en donne des nouvelles autrement plus profondes que ce qui nous parvient par le biais de la prose journalistique. Quand la guerre dépouille un pays et ses habitants, il ne reste plus à quelques-uns comme Ashur Etwebi (né à Tripoli en 1952, et aujourdâhui en exil en Norvège) que la poésie pour ne pas pleurer, « Ou chanter avec le chagrin des absents ». Se tournant vers le passé de son pays, portant le regard sur les choses évocatrices - les dunes, la brise, la fourmi etc. -, et « parce que les yeux sont un verset modifié dans le livre sacré », câest à une méditation spirituelle, que nous invite le poète autant tourné vers lâintérieur des choses que porté vers leur au-delà. Il veut retrouver une intimité avec son pays quâil a perdu, renouer avec des rêves dâenfance. Si lâinquiétude domine, elle est exprimée avec calme, presque avec douceur.


6a00d8345238fe69e201bb0a04898f970d-75wiIvan Akhmetiev, Rien quâune collision de mots, 96 p., 12⬠(traduit du russe par Christine Zeutounian-Beloüs, gravure dâEdith Schmid)

Tout est presque dit dans la tournure restrictive du titre, au moins sur la modestie et lâhumilité de ce poète russe né en 1950, que le peu de lâexpression aura assimilé au minimalisme : « pris séparément mes textes/ne représentent/rien de particulier », dont la définition du minimalisme pourrait être ça : « tel Michel-Ange/en épluchant des patates/jâenlève le superflu ». Devant lâimmensité à écrire, avec une conscience exacerbée du monde, il a choisi une attitude détachée, câest-à-dire dégagée du lien par lequel il est fixé à ce monde, pour dire, en poèmes et vers brefs, son amusement de tout ça, de toute cette mascarade dâêtre, pourrait-on dire ; des poèmes, dit-il, qui sont des « fragments de quelque chose dâimmense/que je nâai pas la force dâécrire. » Son humour rappellera aux lecteurs de poésie américaine celui de Richard Brautigan, quand tout semble prêter évidemment à sourire, et quand le sourire ébranle le trop évident. On lirait en ce livre un manifeste de lâanti-poésie en ce que la poésie aurait de (trop) sérieux ; mais avec beaucoup de sérieux.


Jean-Pascal Dubost

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