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(Note de lecture) Pascal Dethurens, "L’Œil du monde", par Mathieu Jung


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Posté 23 avril 2018 - 10:03

 

6a00d8345238fe69e20224df2cf8b6200b-75wiAvec Pascal Dethurens, câest tout ou rien. Totum simul, tout ensemble, oui. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Tout se tient. Câest beau et roboratif. Il nous est ici proposé une sorte de musée imaginaire où lâon croise les peintres, les penseurs et les poètes. Åil du monde est une petite bibliothèque de Babel, une forme pensante, un très bel objet.    
Cela tient du vertige : lâauteur opère par bonds successifs dans le temps et dans lâespace. On circule dans cette idéale pinacothèque au gré dâune rêverie toujours féconde, et selon les caprices impérieux du démon de lâanalogie. Câest jouissif. Il sâagit avant tout dâun livre utile, car câest un livre heureux. Cela provoque des surprises, et câest ce que lâon préfère. Dethurens donnait déjà à voir, et combien, la peinture et la littérature, notamment dans son Écrire la peinture de Diderot à Quignard (Citadelle Mazenod, 2009, rééd. 2015). Il ne sâagit pas là dâun catalogue ou dâune anthologie littéraire. Le projet est bien différent, plus serré, plus approfondi. Réduit, en somme, à la fenêtre, laquelle ouvre lâespace à la lumière et rend possible le regard. « La fenêtre illimite le réel. » La fenêtre est aussi un seuil vers lâhors-cadre. Le visible est inséparable de lâinvisible, le manifeste est un autre nom du caché comme chez le saint Augustin de Carpaccio, lâinfini travaille dans le fini comme chez Hölderlin ou Leopardi. Bien sûr, infini oblige, la fenêtre attire aussi bien lâÅil du mélancolique. « Fenêtres psychopompes de lâennui et du rêve. » Il nâempêche. La question incontestablement la plus belle que formule Dethurens est celle de lâOuvert. Cela donne le chapitre « Bonheurs de lâouvert », avec sa méditation sur les fenêtres de Matisse.
Le chapitre le plus original est peut-être celui consacré à cette fenêtre particulière quâest le vitrail. « Une triple exigence change la fenêtre en vitrail, et elle est à la fois métaphysique, didactique et narrative. » Dans cette exploration par la lumière, Dethurens élit Claudel pour guide. Ainsi, les vitraux de Chagall voisinent tout naturellement avec Åil écoute.
Ut fenestra poesis. La fenêtre comme multiplicateur du regard, mais aussi comme approfondissement de la vision, comme promesse, comme don du poème. « Oracle du vide », aussi quelquefois, comme chez Chirico.
« Tout ce qui est, écrit Dethurens, nâest pas ici, à portée de main, à portée de baiser, tout ce qui est, Dante lâa su mieux que personne, est au-delà. » Cette affirmation est bien sûr à mettre en regard avec le roman de Dethurens, Vita Nova (infolio, 2017) qui est une réécriture du petit livre de Dante. Avec cet Åil du monde, Dethurens tente une Vista nova. Partant, son livre sâouvre. On pense à dâautres livres. Je songe à la Lucarne ovale de Pierre Reverdy, au commerce de ce dernier avec les peintres, Braque, Gris, Léger, Picasso. Et ainsi de suite.  

Mathieu Jung

Pascal Dethurens, LâÅil du monde. Images de la fenêtre dans la littérature et la peinture occidentales, LâAtelier contemporain, 2018, 160 p., 25 â¬. Fiche du livre sur le site de lâéditeur.


vUClpVaERIE

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