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(Note de lecture) Thierry Rat, "Nénette dite six fesses", par Jean-Pascal Dubost


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Posté 27 avril 2018 - 09:58

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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...e23bc200b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Thierry Rat nénette dite six fesses" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20224df2e23bc200b img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20224df2e23bc200b-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Thierry Rat nénette dite six fesses" /></a>Thierry Rat est un peintre dont le rouge est la couleur par laquelle il pense le monde. Le peintre quâil est (et sculpteur) expose, peu. Il est écrivain de même, et publie, peu. On dénombre trois livres aux éditions LâÂne qui butine, dont un fameux <em>Sloap !</em> dans la même collection que le présent livre, la collection Xylophage.<br /> <br /> On entre dans ce (faux) roman en vers et en proses par un « Proctologue » qui annonce la couleur, et qui ouvre la <em>cornu copia</em> dâune langue mise au vert et à lâenvers, carnavalesque, proférée et malmenée dans tous les sens, amoureusement, sexuellement, scatologiquement, urineusement et spermatiquement ; « Chiantes choses chiées/Chions un bouquet dâorchis ! ». On prend place dans une circulation verbale en boucle qui va de la langue au bas-ventre, abondamment ; il y aura de la « verve en vrac » ; des mots de gueule et des mots barbares, des paroles gelées fondues en paroles dégelées, et autres « vocables du hourt et du hannissement des chevaulx à lâheure quâon chocque » (François Rabelais). <br /> <br /> Car à Rabelais, on y pense, et notamment aux chapitres LV et LVI du <em>Quart Livre</em><sup>1</sup>, ainsi quâà celui des « Propos des bienyvres » du <em>Gargantua ; </em>les allusions et références giclent dans le texte. Nourri de même au lait de Villon (et là, des ballades en jargon), de Christian Prigent et de Jean-Pierre Verheggen (du <em>Ninietzsche peau dâchien</em>), de Maurice Roche et de moult autres de farine cousine, Thierry Rat se lance en 43 chapitres divisés en 6 sections dans une langue étourdissante, dans un roman de la langue nous envoyant au paradis des mots en liberté ; la narration en est secondaire ; il nây a pas dâhistoire. Il y a certes des personnages, mais les noms sont des hommages à lâanthroponymie rabelaisienne (Nénette dite six fesses, Rientintin, Nezdeboeuf, Jouedegouaillette, Têtedaïlâ¦), des multiplicateurs et accélérateurs de sens qui donnent de la vitesse au phrasé. Mots barbares, disions-nous, parce que les mots de Thierry Rat semblent venus des confins de la langue et tellement inconnus, que ce nous semble étranger. Câest une langue aux références hyper savantes, et qui nâa donc de barbare que la semblance, mais entre savance et rustrerie, référence et ignorance, Thierry Rat ludoie et laidoie. Une langue mouvementée et tous azimuts, destinée à nous faire perdre notre latin ; symposiaque en ce quâelle invite à la table des débats et à considérer la nôtre langue autrement que dans son académisme prescriptif : <br /> <br /> « â¦<br /> grand gousier du frugal sur table pas de chichis sursoyons le festin des langues prospères assermentées par consorts lèchent-fiasse<br /> <br /> mangeons cul, bite et nerf<br /> <br /> buvons le tout autant<br /> écrire, mais pas pour du suif jus de pituite éructé<br /> au sénatorium où dâégrotants grotteurs radotent en glandes molles<br /> <br /> <br /> [â¦]<br /> <br /> écrire pour les turpides sordides sorbets de bran<br /> Écrire crasse au lieu de masse<br /> <br /> immédiat au lieu de média<br /> écrire touspinet et faire mouiller le minet à coup de fleuret fleure bon le fouissou ce goût suave et salé à la bonne heure !<br /> <br /> ⦠»<br /> <br /> Les chapitres sont ouverts par des citations imaginaires dâauteurs respectueusement moqués dans le détournement sonore de leur nom (Vulve Jerne, Joe Rad Konzef, Victor Huguetot, Pan Sol Jartre, Soifranc de Morcombier (Villon), Gusvert Flobartâ¦), et dont une biographie imaginaire est proposée en note de bas de page, qui est chacune un prétexte à faire langue de tous bois contre toute langue de bois (et très sans doute à se gausser des egographies dâauteur, Thierry Rat ne respecte rien, en apparence). Ce qui lui importe, câest le rythme, et les sons qui y contribuent. Assonances, allitérations, consonances et homéotéleutes font dissonances, font sons, un rythme qui repose sur le mono et bisyllabique, relancé parfois par un trisyllabe qui passe, qui fait ressembler à une langue onomatopéique et invective (abondamment exclamée). Ce qui se voit sur la page, doit sâentendre. Tel Gargantua compissant Paris, telle Nénette dites six fesses compissant et conchiant son village, Thierry Rat confère à ses personnages de compisser et de conchier la langue française pour en rappeler lâorigine bas-lattrine. Le bas corporel est à lâhonneur, le bas merdier fuse dans une danse du bas-ventre de mots grossiers, crus, orduriers, argotiques, scatologiques, verts ou colorés à souhait et cependant : jamais vulgairement ; lâobscène fait carnaval, retourne et défie les valeurs imposées. Câest de la langue-bélier, qui enfonce des portes verrouillées. Le sale sâattaque à la langue propre sur soi ; irrévérence est faite à la langue cacadémique (dirions-nous pour pasticher). Dans ce texte, « le beau varie quand le laid persévère ».<br /> <br /> Sâil sature sa phrase de sons, parfois en haute virelange, et au point dâengloutir le sens, qui sera ailleurs, sâil cherche à déconstiper la phrase française jusque donner dans lâillisible, sâil contrepète à la pétarade, sâil outrage la langue et lâinjurie et la rudoie, Thierry Rat provoque, bien entendu, mais pas gratuitement. « Des phénomènes tels que les grossièretés, les jurons, les obscénités sont les éléments non officiels du langage. Ils sont, et étaient considérés, comme une violation flagrante des règles normales du langage, comme un refus délibéré de se plier aux conventions verbales. »<sup>2</sup>  Pas de repos pour la langue, écrit Verheggen ; un esprit libertaire règne dans ce festin de paroles, « Graillonnons-nous en pleine jouiration avec:/lâinternationale masturbation/lâasociale commune branlette ». Thierry Rat voit rouge, rouge contre ce « sang impur qui abreuve nos sillons », nos sillons quâil remplit de merde (« rigolons des rigoles de fèces »). Cette langue-là veut échapper à la « sensure ». <br /> <br /> Alors, rions de ces sillons impurs que sont les phrases de Thierry Rat.<br /> <br /> <strong>Jean-Pascal Dubost<br /> </strong><br /> <br /> <span style="font-size: 10pt;"><sup>1</sup> « Comment en haulte mer Pantagruel ouyt diverses parolles degelées » et « Comment entre les parolles gelées Pantagruel trouva des motz de gueule ».</span><br /><span style="font-size: 10pt;"> <sup>2</sup> Mikhaïl Bakhtine, <em>LâÅuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance</em>, Gallimard, 1970.</span><br /> <br /> <br /> Thierry Rat, <em>Nénette dite six fesses,</em> avec des dessins de Thierry Rat, LâÂne qui butine, 178 p., 22â¬<br /> </span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"> </p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"> </p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/slbOxK53Fjo" height="1" width="1" alt=""/>

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