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(Note de lecture) Marcel Proust, " Poèmes ", par Olivier Devallant


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Posté 19 mai 2018 - 08:36

 

6a00d8345238fe69e20224e03ad0f7200d-75wiCâest dans une librairie londonienne que jâai découvert lâexistence des poèmes proustiens. Jâhésitai à mâoffrir cette édition bilingue, qui trônait au rayon poésie, mais acheter du Proust en anglais, quelle hérésie !
Si les poèmes de Marcel Proust sont plus difficiles à trouver dans sa patrie dâorigine quâen Angleterre, ce nâest pas pour rien. Proust représente tellement la quintessence de la prose française, quâon se désintéresse de ses poèmes, au même titre que lui dâailleurs, qui sâest toujours reconnu davantage comme prosateur. Pour lui, le « prosateur puise son inspiration dans la réalité », tandis que lâessence même du poète constitue la matière de son Åuvre.
Mineurs les poèmes de Proust ? Oui, car face à la Recherche tout peut paraitre mineur. Mais loin dâêtre inintéressants. Colette les prend dâailleurs au sérieux, lui écrivant : « je veux vous dire maintenant combien nous avons trouvé fines et belles vos gloses de peintres lâautre soir ». On doit à Claude Francis et Fernande Gontier dâavoir pu rassembler ces poèmes divers dans un volume des Cahiers Marcel Proust à la NRF. Outre les portraits de peintres et de musiciens, déjà parus dans les Plaisirs et les Jours, on y retrouve poèmes lyriques de jeunesse, vers burlesques, pastiches et des poèmes issus de la correspondance de Proust.
Presque la moitié de lâouvrage est en effet consacré à ces lettres poèmes, notamment à Reynaldo Hahn, où se multiplient les private jokes, entre quatrains de cinq vers et surnoms connus dâeux seuls. Proust envoyait parfois ses plis couverts de vers qui devaient permettre au facteur de découvrir lâadresse du destinataire, à la manière de Mallarmé dans Les loisirs de la poste, ce qui donne lieu à des rimes savoureuses :

Facteur trouve au 102 du boulevard Hausmann
Proust qui fut, lâautre siècle, épris de Laure Hayman

Ces lettres sont souvent des éloges à leur destinataire, tantôt pour une peintre de natures mortes : et pourtant fleurs dâun jour vous ne périrez pas
Tantôt pour une comtesse : et vos yeux inondés sont de ceux que jâaimai

Câest dâailleurs autour de ce thème, les yeux, que lâon goûte réellement Proust dans ce recueil,  notamment dans ces intermittences du cÅur, où les poèmes post-adolescents et lyriques, dans lâesprit de Jean Santeuil, se succèdent, ainsi ces vers :

Je contemple souvent le ciel de ma mémoire
Où des regards lointains brillent obstinément


Le temps efface tout il nâéteint pas les yeux
[â¦]
Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes

La fleur de vos yeux clairs déclot innocemment

Et en particulier dans Mensonges (mis en musique par Delafosse et dont la partition est donnée en annexe) :

Vos yeux vagues, vos yeux avides
Vos yeux profonds, hélas sont vides
Profonds et vides sont les Cieux

Et la tendresse du bleu pâle
Est un mensonge dans lâopale
Et dans le ciel et dans vos yeux.

Câest enfin en réaction à sa vie de romancier que sa poésie se fait la plus tranchante. Ainsi, après avoir reçu le prix Goncourt le 10 décembre 1919 pour A lâombre des jeunes filles en fleurs, il écrit :

Oubliez ces noirceurs ; préférez les couleurs
(Quâévoque la méduse blanche aux reflets bleus)
Du seul nectar pour vous seules délicieux
Jeunes filles en fleurs, ô buveuses de f
â¦
Mais Proust ne saurait jamais trop sâéloigner de son Åuvre cathédrale, ainsi ce presque haïku énigmatique, qui annonce la Recherche, à Cabourg à lâété 1911 :
Jâécris un opuscule
Par qui Bourget descend
Et Boylesves recule

Olivier Devallant

Marcel Proust, Poèmes, Cahiers Marcel Proust, NRF - Gallimard, 1982, 216 pages â 16,25 â¬

 

PAZ-OPNZWtY

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