Les éditions Pierre Mainard publient La Confusion des espèces de Jean-Yves Bériou. Laurent Albarracin propose une recension de ce livre et a choisi cet extrait pour lâAnthologie permanente :
La Confusion des espèces
I
Il confondait la présence et lâabsence,
il tournait le dos au ciel, il confondait le monde et la fin du monde
Il confondait le vol dâun corbeau et le sang qui coule,
lâabeille secrète et le vent qui lâemporte
Il marchait dans les pas de celui qui le suivait
Cliniquement, il vivait
Chaque soir venait le vautour translucide
chercher sa vieille pitance :
son bec frappait à la vitre
Un petit tour, madame,
Un sale tour, monsieur
Sa pensée tournait autour dâun jet de sang
Ses haubans serrés, ses poumons séchés
La seule joie : la rage, façon de parler
Le sang du vautour, bonjour
Vautour, de ta plus haute tour
vautour, ne vois-tu rien venir ?
Je vois des violettes dans la mousse
je ferme les yeux, je vois lâAfrique
Cliniquement, il vivait dans le ciel
mais le ciel confondait le ciel et le cÅur qui battait
trop vite, trop fort, comme une vague
de mille vautours dans la marée montante
Il vivait dans une maison en flammes
tout là-haut, au loin des planètes
Le ciel descendait sur la terre
se mêler aux petites bêtes
Le ciel se cachait dans les draps
on nâétait pas fier
Des hommes à têtes de chien
fouillaient dans les cendres
de son avenir
Il était lâabsent présent sur les lieux du crime
il tournait le dos à la mer, son corbeau sur lâépaule
le corbeau, câest la pierre en feu, le coquillage affolé
En haut, sous les combles, passe lâarmée en sang
Cliniquement présent, il confondait tout.
Jean-Yves Bériou, La Confusion des espèces, Pierre Mainard, 14 â¬, 2018, pages 59 et 60.
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