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(Brèves de lecture) Stéphane Sangral, Julien Lemaire et Didier Bourda


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Posté 22 mai 2018 - 08:59

 

Trois notes brèves,  sur des livres de Stéphane Sangral, Julien Lemaire et Didier Bourda, par Christophe Esnault.

6a00d8345238fe69e20223c84cda6e200c-75wiStéphane Sangral
Là où la nuit / tombe
Galilée (coll. incises), 2018, 120 p., 12â¬
sur le site de lâéditeur, préface de Salah Stétié et quelques pages

Dans Circonvolutions, autre recueil de poèmes, déjà Stéphane Sangral - comme il le fait dans ses essais â utilisait la / les  boucle(s). Est-ce à croire que poésie et pensée (chez Sangral, elles sont lâun et lâautre indissociables) existent en marge du vers et du fragment, mais doivent souvent sâinscrire (et rouler) sur une sorte (ou ersatz) de rouleau de möebius textuel, insécables ? Oui dans Circonvolutions, il y avait dâindiscutables poèmes exceptionnels tant il est rare en poésie de voir un auteur travailler/ maîtriser si puissamment un geste autotélique, cela en interrogeant le poème (et la pensée (lâêtre)) jusquâà ce que lâinterrogation même soit le trampoline et lâamorce du geste dâécriture, de création, mais au-delà : de la naissance du poème par (rappel) son interrogation esthétique de sa « raison ou déliaison dâêtre ». Un poème qui parvient alors à être lâextension à la pensée du poème à naître. On dira que câest un risque pour lâauteur de se mordre la queue (ou le cul) et le risque est celui-là de retourner sur cette littérature qui ne se préoccupe que dâelle-mâaime. Jây ai vu davantage ; une expérience philosophique qui choisit son concept pour sourdre au textuel. Dans Là où la nuit /tombe, on retrouve un peu de cela, à cela près : la nuit va remplacer lâÊtre et aussi je crois se confondre avec LâABSENCE. La naissance de ce qui fera naître l'absence. Là où meurt ce qui naît dans sa restitution, sa reconstitution. Boucles, encore des boucles et hors la fragmentation. Un (des) texte(s) sur une altérité fantôme assassinée par lâabsence envahissante-nuit. Une tombe, câest cela. Stéphane Sangral, voudriez-vous en sortir (sortir de cette nasse), pourrait-on dire si cela ne nous sautait pas aux Yeux et à la Figure : la sortie est le texte. Des choses comme ceci : Et lâon ment et se ment tout le temps, et même cela est un mensonge / Pleuvera-t-Il Autant QuâIl A Plu â¦. / Boire ma soif jusquâà la liberté ⦠jusquâà la lie : pensée, nuit et même le jour quand le jour est encore la nuit / ⦠Avoir la nostalgie des époques⦠où lâon nâavait pas de nostalgie. Câest un texte qui ressasse (lâécrivain fait-il jamais autre chose). On voudrait apercevoir un Présent, il est annoncé en creux, il arrive, sa lumière va percer. Si vient enfin un sommeil authentique avaleur de nostalgie-poison. Le texte est seul dès que vous cessez de le lire. Le mot Seul est un astre. La nuit est cosmos ou enfermement. Le lecteur vole de lâune à lâautre tandis quâune lune sonore et êtrexistentielle mord sa pulpe-chair.

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Julien Delmaire
Rose-Pirogue
Mémoire dâencrier, 2016, 86 p.
Sur le site de lâéditeur

Vous direz simplement / aux gosses qui jonchent lâoubli / que jâai toujours tenu / ma langue par la crosse.
Une arme factice dans les mains dâun (énième / éternel) adolescent ? Après la page de titre, on tombe là-dessus : À mes frères et sÅurs dâémerveillement. Me voilà jaloux de cette phrase. Dâautres frères, dâautres sÅurs, choisis sur un critère : une faculté certaine à savoir sâémerveiller, et sâadresser à eux (seuls). Julien Delmaire est romancier (chez Grasset) et slameur. Le registre de langue ne sera pas celui qui sâadresse aux seuls poètes et ça ne sera pas plus mal. La délivrance des livres / seul un drogué pourrait y croire / un poète à la limite / un pauvre type qui poursuit / le spectre dâun idéal. Il y a une rage charnelle dans ce recueil : Faites votre devoir / / Arrêtez-moi / menottez-moi / tabassez moi / / Je suis amoureux. Vivre (pour ceux qui savent / y parviennent) est aujourdâhui (en mai 2018) un domaine de radicalité. Lire Julien Delmaire mâassure quâil possède quelques belles notions appliquées du « Être vivant ».

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Didier Bourda
Galerie montagnaise
Lanskine (coll. Poéfilm), 152 p. 14â¬

En picorant un peu dans Galerie montagnaise, on pense à une hybridation entre texte littéraire et essai, mais assez vite on comprend que lâon avance sur un sentier sans balisage et que lâon piste un authentique poète. Cap à lâest du Québec et du Labrador. On ne découvre pas totalement les Montagnais, leurs présences sont furtives, nous sont offerts des éléments fait dâun tout où ils se meuvent dans une mobilité entravée. Ces Innus et peuple nomade, après sâêtre calés sur les mouvements des caribous et de la toundra ont été contraints par lâindustrie forestière et les barrages hydroélectriques. À qui appartiennent la rivière et lâaccès à la rivière et lâéternelle influence des lois (marchande ou non) sur les corps (les âmes)⦠Quand on entend grand espace, la figure tutélaire de Jim Harrison nâest pas si loin. On a relu ses Lettres à Essenine à sa mort avec une bouteille de vin et une poêlé de patates (Je jeunais neuf jours dans un trou dâarbre au bord de la rivière ensuite ou le sommeil je fus saumon dès cet instant. Ensuite Je ne sais pas (D.B). Lâévocation sâarrêtera là les deux écritures sont aussi proches que dissemblables. Sauf que lâune et lâautre sâadressent à lâenfance (Dans la langue de lâorphelinat). Les textes de Didier Bourda ne cessent de parler à lâoreille de lâenfant que jâai pu être, celui de la rivière et de la forêt. Câest précieux à vivre et rare. À chacun de marcher sur les épines sans sâécorcher ni le cÅur ni la paume des récits déposés à lâinsu du gibier.        
Le livre sâaccompagne (comme chaque livre de la collection) dâun film intitulé Uauiapukut (eau bouillonnante) dâÉmilie Aricaud.

Christophe Esnault



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