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(Note de lecture) Marc Alyn, "Le temps est un faucon qui plonge", par Béatrice Bonhomme


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Posté 25 mai 2018 - 09:41

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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...56c4e200b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Marc Alyn Le-temps-est-un-faucon-qui-plonge" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20224df356c4e200b img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20224df356c4e200b-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Marc Alyn Le-temps-est-un-faucon-qui-plonge" /></a>Deux épigraphes de Goethe et de Proust, comme deux ailes, ouvrent le livre, ne nous cantonnant pas à la nostalgie dâun passé, mais le ressaisissant comme cadeau de vie pour la présence et pour lâavenir. <br /> <br /> Plus quâune autobiographie, le livre se présente comme la quête initiatique de « lâenfant de poésie » quâa été le poète, sorte de cheminement pour découvrir les sentiers de la création et ce qui a déterminé cette curieuse vocation dâêtre poète. Ce genre particulier des <em>Mémoires</em> dépasse ici, très largement, lâanecdotique pour plonger dans la formation imaginaire dâun enfant contemplatif qui pose sur le monde le regard du voyant. Des bonheurs dâécriture jalonnent ce retour vers le mouvement sacré dâune vocation, véritable témoignage sur les étapes dâune architecture, celle dâune Åuvre en poésie, celle dâun destin de poète.<br /> <br /> Un titre énigmatique,<em> Le temps est un faucon qui plonge, mémoires. </em>Le dieu égyptien à tête de faucon, Horus, rapace qui fond sur ses proies terrestres, « faucon pèlerin volant à la verticale du site Byblos, entraînant au zénith une proie en laquelle se reconnait un serpent qui se convulse et trace dâétranges motifs dans le ciel. » Sur les hauteurs de Byblos, le poète se rencontre lui-même. Lâinstant fulgure. <em>Lâéternité ne fait pas son âge aujourdâhui</em>. Les vers de Pierre Jean Jouve hantent la mémoire :<br /> <em><br /> « Sur les monts incendiés de quelque Liban<br /> Se tiendront mes lecteurs étranges et profonds »<br /> <br /> </em>Titre lié aussi par des liens secrets à la révélation, cette rencontre au Liban avec Nohad Salameh avec laquelle le poète fait le signe dâune entente passionnée et dont la présence illumine sans offusquer lâombre : « <em>soudain levant les yeux jâai vu tous tes visages </em>»<em>. <br /> </em><br /> « Peut-être, ayant rêvé, seconde après seconde, notre vie, serons-nous quelque jour vécus par notre rêve ». Câest par le feu que commence le premier chapitre « Le baptême du feu », incendie en 1942 de lâéglise Saint-Maurice à Reims, dont le clocher surplombe la maison natale du poète. Alors quâil a cinq ans et quâil contemple avec son frère Claude de 14 ans, lâapocalypse du feu, ce flamboiement lui semble, non le fait dâun sabotage de lâoccupant allemand mais le résultat magique de la main gantée de Fantômas. Lâimagination se laisse saisir par cet extraordinaire spectacle que lâauteur retrouvera plus tard dans le tableau de Magritte <em>Fantômas ou le retour des  flammes</em> peint en 1943 où se donne à voir lâinsaisissable prince de lâépouvante. De Fantômas aussi le choix de ce pseudonyme Marc Alyn, transformation des deux prénoms du poète Marc et Alain, allusion à Marc Allain qui obsède alors la mère de lâauteur, Elise ou Lili,  lectrice passionnée de Fantômas.<br /> <br /> Quelques péripéties accompagnent la venue au monde du poète né le 18 mars 1937 sous le signe des <em>Poissons</em> comme Caligula ou Mallarmé ...  Lâauteur nous rappelle sa généalogie, nous présente son père Georges Fécherolle né en Ardenne et ses grands-parents Camille et Aline. Il dessine, en quelques traits, la mère dâElise, belle dame chapeautée et gantée, partie un jour pour dâautres destins et sâévaporant en abandonnant sa fille, ne laissant derrière elle dâautre trace que son parfum.<br /> <br /> Depuis lâévocation des deux guerres mondiales, le poète retrace lâhistoire familiale tributaire de la grande Histoire. Il se revoie à lââge de 3 ans et 3 mois dans les marées humaines de lâexode et précocement comprend que « lâHistoire est une maladie contagieuse dont il convient de se tenir à lâécart », le grand intérêt de ces <em>mémoires </em>consistant précisément dans ce croisement entre histoire personnelle, familiale et histoire collective, croisement qui, rendant lâintime à lâuniversel, confère une belle  ampleur lyrique au texte.<br /> <br /> Dans cette enfance les secousses de lâHistoire sont ainsi déterminantes, mais tout aussi bien la passion de la mère pour les livres dâaventure et de mystère, et celle du père pour la magie des livres. Aussi loin que le poète remonte dans son histoire, il reconnaît « lâombre du Scribe accroupi : la haute silhouette paternelle voûtée sur quel mystérieux alphabet mal éclairé », lâhomme à vocation de lecteur acharné et de libraire.<br /> <br /> La famille est nombreuse, 6 enfants, et lâenfant hypersensible et épris de solitude cherche un domaine préservé dans le rêve et lâimaginaire, écoutant tomber la pluie et « lâemportant au fond de son sommeil telle une bille de verre entre ses doigts serrés ». Dans cette enfance, lâhistoire de petit Yvon, somnambule tragique, laisse son empreinte funambulique, de même que lâexpérience de la faim dans ces temps dâoccupation, inaugure déjà lâimage de « ce prisonnier volontaire, poète en ses palais-mansardes à ciel ouvert ou ses sous-sols oublié du soleil ». Le sacré guette le rêveur, « passages secrets se profilant et menant aux demeures austères du Merveilleux », désir de lâAutre, du divin et de lâabsolu « sâexaltant pour les couleurs mystiques des rosaces des cathédrales ». La maladie, la menace de la tuberculose et le début de cures dans des sanas renforcent encore la solitude, le rêve « dâéchappées vers la direction dâOrients sorciers, de jungles hantées de dieux dâobsidienne ». Puis fou dâair, de lumière et de cimes, le poète épèle bleu avant dâépeler lâamour dans les jambes éblouissantes de jeunes filles, « éclosions florales dans le clair-obscur dâun matin ». <br /> <br /> Le deuxième chapitre « La malle des Indes » est hanté par lâextraordinaire présence dâun peuple de poupées fantastiques créées par la mère. « Projections de lâinconscient prenant lâapparence dâune assemblée de naines à la fois spectres et spectatrices mortes en train de naître, ou lâinverse », promises au jeu dâombres ou au théâtre de la cruauté.  Les poupées exercent une véritable fascination sur Claude, le frère aîné, qui en fait des elfes légers comme des songes dâacrobates dans un mini-théâtre <em>Le Guignol de Reims</em>. Devenu prestidigitateur professionnel, il entraîne son petit frère, déguisé en partenaire, dans lâaventure. Fort de cette première expérience, vêtu dâun col roulé noir et dâun blason tatoué de motifs cubistes, ce dernier déclame ses premiers poèmes devant un auditoire ébahi, ému par son extrême jeunesse et sa passion. Claude devenu Clo dâAiroll pour la scène lui donne alors le nom de Marc Alyn où se retrouve bien le poète. LâY, lettre énigmatique évoquant lâarbre, la silhouette aux bras ouverts de lâhomme en proie à lâespace, tandis que le ayn (Åil) arabe suggère la contemplation. La prononciation fautive « Aline » ayant même lâintérêt de rendre hommage à la grand-mère paternelle du poète. Une pleurésie mal soignée arrache finalement lâadolescent au collège pour le faire entrer en poésie comme dâautres au monastère. La nature lui offre ses splendides chemins de lâaube, ses averses suivies dâéclaircies, ses gelées blanches, ses vignes du Seigneur. Dans sa chambre, cellule monacale, le poète naît au fil de lâécriture. Et ce sont les premières publications, <em>Le Chemin de la parole</em>, puis <em>Demain lâamour</em>. Le poète va sâen aller pour Paris, en partance sur le fil du rasoir : « Paris à Dix-sept ans ». Ce troisième chapitre relate les premières rencontres littéraires, les réceptions organisées par la revue dâAlain Bosquet et les moments magiques vécus  dans la proximité de Tristan Tzara, Jean Cocteau, Pierre Emmanuel, Anne Hébert, Angèle Vannier. Des recueils rencontrent un vif intérêt, <em>Liberté de voir</em>, <em>Le Temps des autres</em> (1956) couronné par le prix Max Jacob en 1957. Puis lâHistoire fait retomber sa faux avec la guerre dâAlgérie en 1958 : « Algérie : le jasmin et la cendre ».<br /> <br /> Nous découvrons ensuite la merveilleuse affinité dâélection avec François Mauriac « Les Années Mauriac », les voyages et la somptueuse tapisserie des paysages et des cultures « Slovénie, Bosnie, un avant-goût dâOrient », pour un poète errant de labyrinthe en labyrinthe, « Venise la Chinoise et les lagunes imaginaires de Tâang Haywen », métropole magique au confluent du rêve et de la mémoire, lagune vénitienne liée mystérieusement à la sombre et lumineuse présence au monde de Tâang Haywen, alchimiste de lâencre se réappropriant les paysages aquatiques de Venise. <br /> <br /> Le lecteur pénétrera dans le labyrinthe de mystères, la création de la collection Poésie/Flammarion, lâensorcelante cité dâUzès et les environs dâune géographie sentimentale, le côté de chez Durell, la révélation du Liban et de Byblos, la chambre des miroirs, les jours de guerre à Beyrouth, les épreuves de la maladie, de la mort et la renaissance dans les demeures énigmatiques de lâunivers.<br /> <br /> <strong>Béatrice Bonhomme   <br /> </strong> <br /> Marc Alyn, <em>Le temps est un faucon qui plonge</em>, Pierre Guillaume de Roux, 2018, 216 p., 23â¬.<br /><br /><br /> <br /> </span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/zpGAfU6zHqQ" height="1" width="1" alt=""/>

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