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(Note de lecture), Sophie Brassart, "Combe", par Pascal Boulanger


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Posté 20 juin 2018 - 09:39

 

6a00d8345238fe69e2022ad37a94cb200d-75wiJe nâattends pas de nouveaux pays écrit Sophie Brassart dans un des poèmes de son premier recueil. À défaut de sâinstaller dans une demeure (là où les sensations de-meurent) lâécriture ne cesse dâêtre en attente dâun jaillissement, et ce nâest pas tant le seuil ou le passage quâelle peint poétiquement, mais la trace, lâinscription muette qui se noue autour des gestes, dans les couleurs et la matière fugitives qui projettent nos chutes et nos gloires.

Si la certitude du sujet, dans son immobilité et son enfermement, confine à une épargne qui ressemble à la mort, à lâinverse, le poème de Sophie Brassart, qui prend souvent appui sur le distique ou le tercet, se méfie de lâenvol et de la hauteur surplombant les combes. Les mots sâinscrivent dans la fragilité et la vulnérabilité des événements périphériques, loin de toute fixation au négatif, dans une sécheresse (qui fut celle dâun André du Bouchet) qui préfère la délicatesse de ce qui fait silence au bruit et à la grandiloquence des postures et de lâeffusion qui ne sont jamais la conséquence dâun ressenti profond mais bien souvent la marque dâun ressentiment vis-à-vis du temps et de son « il était ».

La pensée, en effet, nâa-t-elle pas besoin de silence et la poésie nâest-elle pas un cheminement dans ce silence ? La parole poétique nâest-elle pas un apprentissage du vide ?

Je nâattends pas de nouveaux pays

Devant moi se dresse
une montagne de feuilles sèches

Elles sâenchevêtrent autour de mes veines
Je ressemble à lâexil

Au milieu du silence

Je ressemble au bois qui ruisselle
Il contient
La route vide

Est-ce au-dessus du vide

Jâattends ce qui jaillit

Le réel se manifeste par sa défaillance et même son absence. Lâécriture creuse (combe) par usure la dégradation même de tout vécu. Les paradoxes de la loi (le recueil est dédicacé au père) et du désir dây échapper dans lâémergence dâun silence qui parle et qui, en parlant, sâaffirme en solitude, sâinscrivent dans un oxymore : je suis celle qui nait des pierres, autrement dit, je suis celle qui ruisselle de vie au point lumineux de lâoubli de la dette envers les lois du langage ; langage que je respecte pourtant et intègre par souveraineté et contrôle de mes propres sensations.

Peintre, Sophie Brassart sait mettre lâaccent sur la dimension spatiale de la traversée, sur sa surface, sâinterdisant tout compromis dans le champ de la représentation simplifiée. La parole poétique suspend la prose, tranche par condensation lâemphase molle de tous discours spectaculaires. Néanmoins, le chant dans sa fluidité et son accélération, ne cesse de retentir et de sâélever, dans lâorage, dans la pensée de lâorage, pour atteindre, par vibrations ténues, la beauté qui nâest que de passage.

En sa gorge ma maison interpelle :

Vois dâoù procède le rivage
où frisonne encore ton cÅur

Je suis celle qui nait des pierres

Ammonite quartz grenat ont fleuri
mes mains de silence

Je dis la fille du vent & de lâorage
qui sâélève
Pour que tu franchisses le seuil


Pascal Boulanger

Sophie Brassart, Combe, préface Anne Gourio, éditions Tarmac, 2018, 52 p., 12â¬.

 

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