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« Comme une promesse d'éternité »


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Posté 23 juin 2018 - 04:21

Jacques André éditeur publie l'Åuvre poétique complète de Bernard Mazo, qui nous a quittés en 2012. Dix recueils réunis par Jean Poncet en une somme agrémentée des encres d'Hamid Tibouchi et enrichie des contributions de Jean Orizet et Max Alhau.

bernard_a_sete-cd9e4.jpgBernard Mazo à Sète. © Pierre Kobel

Bernard Mazo est décédé le 7 juillet 2012, foudroyé par une crise cardiaque sur une plage de la Méditerranée. Né en 1939, il avait donc 73 ans. Il nous a laissé une Åuvre de critique â avec de très nombreux articles consacrés aux auteurs qu'il aimait, ses collaborations multiples aux revues comme Sud, Aujourd'hui poème, Europe,Texture, etc. et son magistral ouvrage consacré à Jean Sénac â mais surtout une Åuvre de poète.
Celle-ci était disséminée en une dizaine de recueils devenus souvent introuvables. Les éditions Jacques André viennent de prendre l'heureuse initiative de sa réédition. Elle n'est pas très abondante puisque l'intégrale tient en un seul volume de 340 pages, mais il faut dire que Bernard Mazo recourait à une écriture très épurée, lapidaire. Et forte.

Jean Orizet, son ami de longue date, évoque dans une préface émouvante leur complicité et ce sentiment de la dépossession si prégnant dans son Åuvre. Autre ami très proche, Max Alhau présente cette « poésie comme un miroir brisé » en relevant surtout le sens et les mots du tragique qui la hantent. Il y voit une « parole accompagnatrice mais non salvatrice » face à la perspective de la mort.
Rehaussée d'encres d'Hamid Tibouchi (qui avait déjà souvent accompagné les recueils de Mazo), et d'une partie iconographique montrant Bernard avec ses amis, cette édition a été dirigée par Jean Poncet, un autre proche, qui explique comment il a procédé pour établir le texte. Bernard Mazo a en effet repris souvent certains poèmes en les modifiant peu ou prou d'un recueil à l'autre. L'importance du remploi et de la fragmentation est partie intégrante de son écriture sur quarante-sept années de production (de 1964, avec « Passage du silence » à 2001 avec « Dans l'insomnie de la mémoire ») et se devait de se retrouver dans cette somme. Tout comme les images et groupes de mots récurrents et ses leitmotive.

En exergue à un des poèmes de son dernier recueil, « Dans l'insomnie de la mémoire », Bernard Mazo citait Maurice Blanchot : « Dans l'Åuvre l'homme parle, mais l'Åuvre donne voix, en l'homme, à ce qui ne parle pas ».
Sans doute Bernard n'a-t-il jamais fait que cela : traquer ce qui échappe, cette part obscure en chacun qui laisse néanmoins pressentir que l'essentiel se tient caché. Il sait depuis toujours que « Toute parole / tout poème / retournent / un jour / au silence », mais n'a jamais renoncé pour autant à la travailler pour approcher le mystère d'être au monde. En interrogeant autour de soi les choses familières et en soi la mémoire promise elle aussi à la cendre. Ecoutons-le :

« Qu'attend-on
de la vie trop courte ?
peut-être simplement
de demeurer là
enracinés
au cÅur du monde
à écouter sa rumeur
infinie
à chercher
à travers
les mots
qui s'inscriront
sur les grandes plages
du silence
ce paysage secret
où s'enracinent nos rêves »


Un jour (celui de notre fin), « nous saurons combien toutes choses étaient illusoires », écrivait Bernard Mazo dans un de ses premiers poèmes. De ceux peut-être où, prétendait-il ailleurs, « dans la confusion des signes, le texte n'avait emprisonné que l'ambigüité du visible ».
Si la dépossession de soi par le temps reste sans doute le thème majeur de cette Åuvre, l'étrangeté foncière du monde, la distance et le silence qui en résultent apparaissent aussi à la relecture comme des constantes très significatives.
Sans cesser d'en revenir là : « le poème ne peut se fonder que sur ce qui est condamné à mourir ».

Pour l'analyse plus fine de ces thèmes, je renvoie à mon article-portrait, ici

Michel Baglin


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