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(Note de lecture), Dorothée Volut, "Poèmes premiers", par Anne Malaprade


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Posté 12 juillet 2018 - 12:48

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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...05c5c200b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Dorothée Volut poèmes premiers" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e2022ad3a05c5c200b img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e2022ad3a05c5c200b-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Dorothée Volut poèmes premiers" /></a>Ces <em>Poèmes premiers</em> sont au nombre de 36. Ils tiennent sur une page ou un peu plus. Se présentent sous la forme de distiques, de tercets, de plus rares quatrains. Parfois les vers, dâune longueur très variable, se confondent avec une phrase isolée ; ils peuvent aussi se réduire à un ou deux mots. Pourquoi ces poèmes sont-ils qualifiés de « premiers » ? De quel <em>avant</em>, de quelle origine parlent-ils ? Quel âge ancestral évoquent-ils ?<br /> <br /> Ils ne sont précédés dâaucun titre, sinon dâun nombre qui est aussi le moment dâune série interrogative et « métaphysique » qui se demande, depuis le présent dâune terre, dâun ancrage, dâun quotidien, dâun corps, en quoi consiste lâécrire, quelle est sa valeur, sa fréquence, les modalités de sa possibilité, de sa nécessité. Ces <em>poèmes premiers</em> ne sont pas les <em>premiers poèmes</em>, ni de <em>premiers poèmes </em>écrits par Dorothée Volut : ils sâimposent dans une temporalité qui est celle de la maturité, de la coïncidence à soi, dâune forme dâapaisement et dâaccord avec la nature, avec le et les sens, dans la compagnie des autres vivants, arbres, animaux, humains, aux alentours des choses et des objets. Proximité des matières aussi, des esprits et de la mémoire, voire des émotions. La peur ainsi accompagne le vivre, mais nâaccable ni nâimmobilise le sujet : « Viens ma peur,/au toucher marcher/célébrant ». <br /> <br /> Le livre sâouvre sur une comparaison entre le vécu et le poème et leur poids, ou charge, ou teneur respectifs : « Parfois une journée à vivre vaut mieux quâun poème./Écrire le soir après avoir rangé sa barque, suffit ». La virgule qui précède, isole, et place le verbe « suffire » à la toute fin du vers institue, dâemblée, une place au poème : il a effectivement trouvé sa juste apparition dans une vie quâil ponctue sans lâenvahir. Comment inscrire un poème dans le jour ? Quel espace, quel temps, quel geste lui réserver ? Vivre-écrire, câest accepter dâagir, dâaccomplir les gestes, tous les gestes, sans hiérarchie ni dédain, sans élection ni préférence. Humilité. Écrire-vivre, câest laisser, aussi, lâécriture revenir à soi après un intervalle de silence, dâabsence, de travail et dâoccupations diverses. Laisser la forme saisir votre parole, laisser la célébration vous porter sans vous emporter. Vivre, câest donc croiser et recroiser lâécriture, de même quâécrire poursuit le vivre sans lâinterrompre. Le premier poème de ces <em>Poèmes premiers</em> dit ainsi : « je me sens tricotée par deux grandes aiguilles/dâune laine enfantine ». On nâen a jamais fini avec la laine de lâenfance, produit miraculeux et animal, matière rêche ou douce, fil devenant pelote, pelote redevenant fil, lien et laisse, matière dâun vêtement, dâun jeu et dâun texte qui sâécrit avec ce qui pique, ce qui organise, ce qui rythme aussi le fil dâune vie : les aiguilles. On a connu des tricoteuses et Parques bien plus inquiétantesâ¦<br /> <br /> La simplicité de ces poèmes est tenue par une adresse têtue et entêtée qui sait quâelle peut « inattraper », rater, se trouver dépossédée. Leur force provient de cette ombre vers laquelle ils se tournent avec une confiance discrète mais cependant assurée. Lâautre, le tu, câest parfois un double déguisé et taiseux : « Ferme les yeux/entre le vent/dépose ta voix. ». Parfois un « seigneur », un Dieu que lâon pourrait entendre comme une Muse masculine : « Je ne sais pas te contempler, seigneur/et jâai de la peine pour ton cÅur de nourrisson      Avec ma main, je cueille les étoiles suspendues/comme des cerises dâor à ton arbre cosmique â/pleurer est mon cadeau de nuit/sous ton église ». Câest, aussi, un arbre protecteur et bienveillant qui autorise et protège lâécriture, cette « ortie » qui soigne en brûlant : « Toi lâarbre, tu me vois     Je suis assise en face de toi,/prête à te dessiner,/sauf que mes traits sâassemblent en mots/et que tu me laisses écrire/comme tu laisses les orties pousser à tes pieds. » Le corps du poète reproduit ainsi les mouvements secrets de la nature, comme la rivière dessine le corps-paysage, comme deux pierres au sol désignent lâorigine et la fin de toute existence, quâelle soit minérale, végétale ou humaine. Et ce geste, qualifié dâ« héréditaire », est un don de lâenfance, la métamorphose dâun acte humain <em>premier</em> qui consista à dessiner, à graver, à tracer des figures sur des parois ou des grottes. Acte originel à lâéchelle dâune vie, acte fondateur à lâéchelle de lâhistoire de lâhumanité : « [â¦] être dans ces tracés transmis/dââge en âge,/les lignes continuent/enjambent et ça me fait du bien ». Le poème apparaît finalement comme un événement quasi pré-histoire, au sens littéral du terme. Il se situe avant lâhistoire comme puissance narrative, à la naissance de lâécriture, au moment en tout cas où le dessin bascule dans un signe qui nâest plus seulement figuratif mais aussi conteur. Il est auprès et au plus près de la nature, peut-être dans ce Verdon qui est désormais le lieu où vit Dorothée Volut et à partir duquel la joie tresse la pensée en reliant feux, rivières, arbres, pierres et neige, humains et animaux. Écrire, câest-à-dire : se laisser toucher par le temps et tempo du vivre, Åuvrer à lâharmonie du cosmos. <br /> <br /> <strong>Anne Malaprade<br /> </strong><br /> Dorothée Volut, <em>Poèmes premiers</em>, Eric Pesty Editeur, 2018, 9â¬<br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/oy-6-wlnK5A" height="1" width="1" alt=""/>

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