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(Note de lecture), Pierre Chappuis, "battre le briquet" précédé de "ligatures", par Antoine Emaz


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Posté 11 juillet 2018 - 10:20

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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...03a4f200d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Pierre Chappuis battre-le-briquet" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e2022ad3803a4f200d img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e2022ad3803a4f200d-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Pierre Chappuis battre-le-briquet" /></a>Pierre Chappuis est un poète de lâespace, du paysage ; il faut relire <em>Dans la lumière sourde de ce jardin, </em>par exemple, même éditeur, 2016. Mais la pratique de la poésie a toujours été accompagnée chez lui par la lecture et la réflexion critique, que lâon retrouve dans les volumes quâil a donnés à la collection « En lisant en écrivant », chez Corti également. Les textes rassemblés dans <em>battre le briquet </em>et <em>ligatures</em> sont de cet ordre. On pourrait parler de notes, mais le terme est trop général pour les trois formes employées dans ce livre.<br /> <br /> Dans la première partie de <em>ligatures</em>, les textes sont brefs, rarement plus dâune page, largement séparés par des blancs, et chacun est titré, en italiques, un peu comme le seraient des poèmes en prose. Quelques rares pages font retour vers lâenfance et la relation à la mère, que lâon pressent décisive dans le parcours du poète (pp.22,25). Mais il y a un mouvement dâégale puissance pour freiner, voire interdire cette pente vers lâintime et lâautobiographique : un « <em>devoir de discrétion</em> » (p.18) sâimpose pour éviter une « dérive vers des zones trop privées » (p 27). La méditation portera donc plus souvent sur le paysage et le défi poétique quâil pose parce quâil désarme, démunit le poète tout autant quâil le tente, sâimpose à lui dans son évidence de réel : « En présence de la lumière, comme de toute réalité brute, rien à dire, nulle inscription dans le champ de la pensée. » (p.34), « Sâil me <em>parle</em>, un paysage par là même me retire la parole â faisant de moi le muet par un renversement des rôles -, une parole que jâaurai à lui reprendre au prix, à mes yeux, dâune sorte dâusurpation. » (p.56) Lââge venant, la force pour tenir cette tension diminue sans doute, mais si le choix était à faire, la dernière page tranche nettement : « Que les mots cessent de me devenir nécessaires, mais que ne sâéteigne pas, au plus profond (je la sens faiblir), la ferveur qui me rattache instantanément à la réalité environnante, au monde. » (p.59) Dâautres thèmes circulent dans ces pages, notamment lâart sous différentes formes comme la musique (Liszt, Haydn, Bergâ¦), la peinture (Soulages, Poussinâ¦) mais surtout la littérature et, sous de multiples aspects, le couple lire-écrire.<br /> <br /> Câest également ce dernier que lâon retrouve au cÅur de la seconde partie de <em>Ligatures, </em>mais dans une forme différente à partir dâun projet de « résidence virtuelle » imaginé par A. Rodriguez pour le site <em>poesieromande.ch</em>. On est plus proche dâune sorte de journal de travail, ou de carnet-atelier avec quelques ébauches ou fragments de poèmes (pp.65,71,82,87,91â¦). Mais câest principalement la méditation sur écrire qui se poursuit par rebonds, ricochets successifs. On voit très bien comment la pensée de Chappuis est toujours en dialogue avec dâautres Åuvres, très diverses : Tapiès, Ponge, Tâche, Jouve, Braque, Charles dâOrléans, Cadou, Cendrars, Follain, Pusterla, Rimbaud, Bram van Velde, Tellermann, Debussy, Dupin⦠La pensée circule, fluide, dans un réseau dâéchos ou dâappels indiquant combien le poète est à la fois seul et peuplé. Aucun goût de la référence pour la référence mais simplement le constat que les autres Åuvres accompagnent, rencontrent, croisent, nourrissent le quotidien dâune écriture qui pourrait sembler â dans les fragments de poèmes donnés ici â royalement solitaire dans son rapport à lâespace, au paysage : « <em>Champs hersés de frais, hiver vagabond à fleur de neige. Vivement, emboîter le pas ! » (p.83)<br /> <br /> Battre le briquet</em>, dernière partie du livre poursuit dans ce sens mais en modulant encore le dispositif : câest une suite de textes en prose dâune à quelques pages, couplant à chaque fois un auteur et une question dâécriture. Joubert et « lâéloge du peu » (p.99), Ponge et les brouillons, le pouvoir du poème et Ramuz, Éluard et lyrisme, Reverdy et la ponctuation, Tortel et lâélan dâécrire ou dâaimer⦠Il ne sâagit pas de critique littéraire au sens habituel, avec effacement du critique devant lâÅuvre évoquée ; ici, cette dernière est plutôt support, occasion, exemple dâune question de poétique à laquelle Chappuis se confronte et apporte sa propre réponse. Cela donne des conclusions qui sont autant des choix, des parti-pris esthétiques que des constats de travail ; le lecteur peut les reprendre pour lui-même sous forme dâinterrogations, de propositions de départ, poursuivant ainsi le geste de <em>battre le briquet</em> qui est peut-être la marque dâune poésie qui peut sembler momentanément arrêtée mais qui se sait essentiellement mouvante, en perpétuelle redéfinition. Quelques exemples : « Ne pas laisser trace, donc, du poème en train de se faire au profit du poème mené à chef (â¦) <em>Mener à chef</em> (â¦) sans prendre en compte ce quâil en aura coûté à lâauteur définitivement mis de côté. Au lecteur, à partir de là, à lui seul toute la place. » (p.103) ; « Refus, au bout du compte, dâune Åuvre bouclée sur elle-même, bien quâaboutie, je veux dire achevée, arrêtée. Elle nâa choix que de demeurer ouverte, aérée de lâintérieur, ayant rassemblé tant bien que mal des débris, à moins quâil faille voir là des semis, Åuvre alors non pas en ruines mais en germe. » (p.109) ; « Lâenvers du lyrisme, par la négative, se retrouve lyrisme : un chant âpre, délabré, peut-être futur, encore enfoui « <em>dans la pénombre de lâindivision souterraine, là où les veines se perdent. </em>(Jean-Claude Schneider) »(p143) ; « Nulle recherche dâun ailleurs, nulle fuite. // Au contraire, ici. » (p.150)â¦<br /> <br /> La pensée de Chappuis nâest ni systématique ni dogmatique, elle reste très proche de la sensibilité et de la pratique dâécriture, dans un souci constant de nuance et de précision qui marque sa syntaxe. Ce livre nous est proche ; il donne à penser, sans didactisme, plutôt dans un souci de partage des questions, des doutes, des avancées⦠En cela, il est précieux.<br /> <br /> <strong>Antoine Emaz<br /> </strong><br /> Pierre Chappuis, <em>battre le briquet </em>précédé de <em>ligatures</em>, Editions José Corti, 174 p., 18â¬.<br /><br /><br /> </span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/t2mfsYLL3xs" height="1" width="1" alt=""/>

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