J’aimais le jardin de mes parents, j’aimais parcourir ses allées rectilignes où, à l’entrée, par les soins de mon père, le prénom de ma mère avait été écrit, en galets blancs, pris dans le ciment.
J’ai écrit des textes dans ce jardin, des textes comme celui-ci :
« A l’improviste, c’est
trouver la maison vide,
et les parents absents,
il pleut sur le jardin,
tristesse et joie mêlées,
et, sous la pluie, soudain,
l’odeur des giroflées ».
Un jardin, c’est une hétérotopie, une ouverture vers un ailleurs, suspendu au bon vouloir des saisons, à la couleur du ciel, au chant des oiseaux.
Quand la maison fut mise en vente, comme je disais à mon frère ma douleur de me séparer du jardin, il me dit avec ironie : quand tu mourras, le jardin sera transformé en parc public, avec ton nom sur une pancarte à l’entrée : « ici le poète … écrivit ses poèmes ».
La maison fut vendue à quelqu’un qui me jura que le jardin survivrait. A peine la vente signée, des pancartes annoncèrent la construction de futures maisons, en lieu et place du jardin.
Le bulldozer est passé sur les noyers, le magnolia, les rosiers grimpants fixés sur des portiques, le seringa, les hortensias, les fougères géantes, les calthas des marais, les cils de Sibérie, le cèdre du Liban, les hibiscus aux fleurs couleur d’encre bleue, comme jamais je n’en ai vu d’autres, nulle part.
Mais il me suffit de fermer les yeux : le jardin fleurit encore, dans mon cœur.
20/9/18
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