Je viens d'ailleurs
Tu viens d'ailleurs
Il vient d'ailleurs
Nous venons tous de si loin
Mais au cœur d'une même pomme
Pourtant
Notre mémoire est si vieille
Que nous faillions d'exister
Hier, mon ancêtre est parti de Normandie
Laissant derrière lui la Clocharde
La Belle de Boskoop et la Bailleul
Jamais il n'oubliera la joufflue
Malgré la houle de la mer
Qui fagotera sa boule longtemps
Et malgré les vents de galerne
Qui bousculeront sa caravelle
Longtemps, il gardera l'odeur de son pays
Et lorsqu'il mettra le pied en Nouvelle-France
Il ira cueillir les reinettes blanches
Dans le fluide glacial de la nuit
Sous l’œil d'un clair de lune amérindien
Et lorsque bâilleront les pommiers givrés
Son cœur sera américain et le normand sera heureux
Sa descendance couraillant dans le verger
Il aura tant pioché sur cette terre de Caïn
Que pousseront des arbres en fleur de lys
Et à l'aube, des frissons sur le cœur
Il contemplera une touffe rose
Enluminant les pommiers
Et sa langue chantera la pomme
Pour des siècles et des siècles
Alors que sur la montagne
Dans le manoir anglais
Les filles changeront les draps cousus d'argent
En s'excusant toujours: ''I'm so sorry''
''Your McIntosh is so delicious, my lord
But i cannot forget la Reinette de Bayeux''
Le temps va s'étirer comme un chewing-gum
Et les coureurs de pommes à la peau cuivrée
Auront à la main des pinceaux
Pour dessiner une nouvelle pomme
Et à la barre du jour, sur le ventre du fleuve
Comme autrefois au fond des yeux du normand
Le fruit défendu les appellera
Alors, je partirai
Et tu partiras
Et nous partirons tous
Croquer une Ambrosia ou une Fuji