Mon amour
ma belle de Dunkerque et d'ailleurs
ma Leila
ma Djahane
mon cosmos aux fulgurances dégoupillées
mon tout qui n'est ni visage
ni raison
te souviens-tu
des aveugles qui hurlaient
les nuits d'hiver
au fond des bois tranchés
et que l'on entendait
à des kilomètres de là
jusqu'au fond des caves
aux murs épais de Saint-Mihiel?
ma subite
mon éruptive
mon orgasme
ma saveur
te rappelles-tu
de la fureur industrielle polygame
qui laminait les campagnes?
c'était l'époque
où des villages se réveillaient
flottant à trente mètres au-dessus du sol
car sous eux
la terre et la roche avaient été pulvérisées
des mains sans bras
rêvaiant d'habiles corps de femmes
alors que des lèvres privées de boîte cranienne
quémandaient un ultime baiser
exfiltré de la boue
c'était la lune sur terre
c'étaient les gueules cassées
et la folie distribuée à tours de bras
c'était il y a bien longtemps
mais les stigmates s'entassent toujours
à portée de regard
pleurant
ces noms inconnus
ces dates de naissance et de décès
que je lis sur les tombes
impeccablement alignées
je divague dans un cimetière militaire
perdu au fond des bois
peu importe la nationalité
des débris humains entreposés là
j'erre en mesurant mes pas
j'écoute la Chanson de Craonne
tout en songeant à toi...
Captain
spéciale dédicace pour Anwen.