TRAFIC
les mains sur le volant
tu mènes le Trafic
tu mènes et tu te tais
sur le siège passager
j’écosse mon grain de folie
de la pointe du bic
(pour clouer le bec
aux salamalecs du quotidien)
ton regard se rive
sur l'espace grinçant
entre les essuie-glaces
le poste à galène flirte entre deux stations
c’est l'oscilloscope de nos hésitations
puis tu dis qu’il fera beau demain
(tu dis toujours qu’il fera beau demain)
c’est pas qu’on s’ennuie
mais le temps est long à rouler la nuit
le ciel s’étoile d'yeux de biches et de sangliers
sur les vitres s’écrasent les flocons
et dans ce ballet gris de chauve souris
à la radio résonne ta chanson
on y parle d’insectes d’amour et d’immobilité
je fais semblant de ne pas l’entendre
je fais semblant seulement
c’est pas qu’on s’ennuie
mais le temps est long à rouler la nuit
soudain dans le halo des phares
un portail apparaît
aussitôt tu descends
tu l’ouvres et derrière toi
tu le refermes du bout des doigts
puis tu t’en va seule dans le froid
alors j’écoute mourir la chanson
et je repars
laissant la nuit nous dévorer
c’est pas qu’on s’ennuie
mais le temps est long à rouler la nuit