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(Note de lecture), Tableaux romains / Quadri Romani (schizzi), de David Mus, par Bruno Fern


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Posté 23 novembre 2018 - 02:36

 

6a00d8345238fe69e2022ad3a24b9a200d-100wiNé à Londres en 1936, David Mus vit depuis longtemps en Bourgogne. Traducteur (notamment en anglais du livre dâAndré du Bouchet, Dans la chaleur vacante), critique (La poétique de François Villon et Le Sonneur de cloches (Villon, Shakespeare, Baudelaire, Mallarmé, Reverdy â et nous autres) il est aussi lâauteur de plusieurs livres de poésie dont le plus récent sâintitule Dehors plutôt quâailleurs (Julien Nègre éditeur, 2016).

Dans ce nouvel ouvrage, il propose, en français et en italien (la traduction ayant été assurée par Fabio Ciriachi qui a également rédigé la préface), une vingtaine de poèmes issus de sa longue fréquentation de Rome, ville quâil a arpentée pendant des années et dont la connaissance sâest donc dâabord faite par les pieds et les yeux, parties du corps qui sont justement présentes dans lâun des premiers textes : « Tout // au centre se tiennent / les pieds, // regard porté vers le ciel / du lieu » Le choix du distique peut lui-même rappeler la marche avec ses deux temps, les vers étant souvent de longueur inégale et dâune brièveté qui suggère un pas vif. En écrivain aussi attentif que le visiteur quâil fut, David Mus a composé ces « tableaux » quâil qualifie de « croquis » dans le sous-titre du livre, sans doute parce quâil procède ici par petites touches où sont subtilement entremêlés lâévocation de nombreux lieux et objets dâart romains (églises, palais, peintures, mosaïques, statues) et de multiples références historiques, artistiques, littéraires et autres, appartenant à toutes les époques.

En effet, loin dâune érudition qui se cantonnerait à lâhistoire de lâart, lâobservateur tisse des fils, à lâimage de celui entre lâélan de la déesse citée dans un poème de Du Bellay (écrivain évidemment inévitable dans ce contexte) et celui du promeneur qui veut « courir comme un fou attraper le tram » pour pouvoir visiter tant quâil est encore temps lâéglise officiellement la plus ancienne de Rome. De même, il rapproche lâévacuation du ghetto romain en 1943 « sous le nez du pape Pie XII » du sermon hésitant dâun « prêtre noir venu du Kenya » auquel lâassistance finit par souffler le mot-clef : « VERGOGNA ! » De tels rapprochements se font fréquemment entre des éléments qui appartiennent à des registres a priori éloignés : ainsi deux saints martyrs dont la représentation tremble à cause du creusement dâune station de métro à proximité ou la fameuse statue de Moïse dans une église dont les « liens » deviennent ceux du désir charnel quand le flâneur « reluque les ravissantes / étudiantes // qui sây pavanent à la place / des moines gris », les deux dimensions étant étroitement liées : « Verbe et esprit, annexes ex- / plicites de // la matière, peine et plaisir égale- / ment comme // des extensions annexes de lâune / et de lâautre // chair »
Enfin, signalons que cette exploration nâest pas dénuée dâhumour, comme en témoigne, entre autres exemples, le fait que « Rome » sonne avec « home » ou bien ces réflexions au cours dâobsèques : « le défunt désormais logé au sein / dâAbraham // dans tout le confort du type / salut Club Med // et bon débarras, soupirent en silence // ceux qui attendaient son trépas / impatiemment », lâauteur se montrant aussi lucide sur le destin réservé aux mortels que sur celui de « feue la Ville éternelle ».
 
Bruno Fern

David Mus, Tableaux romains / Quadri Romani (schizzi), éditions Empirìa, 2018, 96 p., 12 â¬.


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