Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Spleen. Charles Baudelaire.
Tout est dit. Rien n'est écrit. Il faut juste espérer qu'un juste bonheur nous attends au lieu de craindre un malheur, se lever en se disant : "quelque chose de bien va m'arriver !".
Et l'expression artistique, dans ces moments d'angoisse, nous apporte du réconfort. Parce qu'elle s'adresse à un au-delà de notre perception, elle comble un vide que le réel ne suffit pas à remplir. Elle est le langage d'autres intériorités ineffables.
[WV]