à quoi sert l'arbre
- toi, le vieux poirier ou le grand frêne -,
s'il n'y a pas d'oiseau ?
la mésange à tête noire - non, c'en est une
à tête bleue - qui, de son vol bref et vif,
insaisissable, passe de branche en branche
sans jamais s'interrompre, croisant parfois
le grimpereau dans son ascension verticale,
qui, soldat d'infanterie accroché au tronc,
est en quête de quelque providentiel insecte ;
le pinson dans l'herbe, au pied de l'olivier,
affairé, mais toujours sur ses gardes
et prêt à s'envoler à l'approche d'un chat ;
la bande de moineaux criards et frondeurs,
là maintenant, ailleurs l'instant d'après,
avec une apparence de gaieté, d'insouciance
mais qui cache en réalité une nature inquiète
aujourd'hui, mon regard vide s'étend
sur un désert d'oiseaux
je guette en vain une ombre furtive dans l'air,
un mouvement dans les arbres, un chant,
(le chicha y pan de la mésange, le simple cri
des moineaux, ces muraillards si méprisés
autrefois, aujourd'hui si attendus, si désirés),
avec douleur et le sentiment d'une absence
qui va imprégnant tout le paysage à l'entour,
en proie à ces pensées sourdes, informulées,
qui maintenant m'étreignent du matin au soir,
jusqu'aux entrailles, seul dans ma solitude
et mon malheur, à la fois victime et bourreau,
nouvel Adam
chassé du paradis terrestre avec ses pareils,
par sa faute et pour sa plus grande honte,
affublé à jamais du bonnet d'âne du misérable
qui a failli à sa mission de gardien de la nature,
fossoyeur pervers qui a creusé sa propre tombe
et qui ne laissera après lui que des décombres
.
.
alors, la nature pourra renaître, ... sans l'homme