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(Note de lecture), Marc Blanchet, valses & enterrements, par Michaël Bishop


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Posté 31 décembre 2018 - 10:31

 

6a00d8345238fe69e2022ad3aac8df200d-100wi« Étude du monde » à bien des égards (V&E, 7), comme dit le protagoniste-auteur au cÅur dâune méditation à la fois fragmentée et cohérente qui se mue en ce récit délicatement scandé quâest Valses & enterrements. Étude fantasmatique pourtant, quoique centrée sur les ironies, langueurs et mélancolies dâun vécu intime et le désir, la logique même, des rapports accomplissables dâun vécu viscéral, sensuel, à lâécrit, son acte et sa pertinence fondamentale. Autoanalyse et autocritique, par conséquent, générées avec compassion, douceur et ce sérieux que mérite fatalement tout rapport à lâautre et à sa modulation poétique. La danse qui se trouve au centre du livre devient lâemblème du corps, dâun être-ensemble que défie et caresse la nécessaire solitude de lâauteur, de tout.e auteur.e. Drame dansant, bal masqué, de lâaveuglante et séduisante élégance de lâamour face à celle, sâimbriquant dans celle, dâune littérature visant haut quoique sâinterrogeant implacablement sur son propre geste.

Au cÅur du livre, ainsi, le drame du mortel, de la disparition, de lâinaccès aux absolus, à la permanence, à la beauté sous une forme stable, définitive. Écrire, câest vivre-enterrer lâintime intensité de son propre vécu, câest sâadonner à ce « travail de beauté » dont parle Titus-Carmel dans son Huitième Pli, tout en sachant à quel point la mortalité domine la conscience dâune présence au monde qui, minée par la tristesse dâune fugitivité, dâune absence même, nous replonge dans notre seulitude. La disparition inexorable des danseuses de Valses & enterrements sâoffre comme « lâimage de ma future mort »(17), avoue notre protagoniste-auteur. Ainsi, lâatmosphère qui flotte partout, malgré exubérance et fascination, reste largement automnale, verlainienne, saturnienne.

Si lâécrit, tel que lâimagine Blanchet ici, est le site du paradoxe de « notre impossible narration » (100), reste que le récit ne cesse dâesquisser une fine caresse musicale, rythmée, tournoyante, mais où le souffle de lâimaginaire, ces « quelques lettres sur la buée des fenêtres » (28), sâavère des plus finement capricieux, tendre, tristement souriant. Esquisser â « je ne sais quâesquisser », nous confie le protagoniste-auteur (49) â : articuler une « fid[élité] à des inachèvements » (49), autrement dit au paradoxal, à lâimpossible â à lâinsaisissable même de lâexistence, à sa non-possédabilité. Ce qui explique cette « impression [quâa notre protagoniste-auteur] dâêtre ce qui sâagite devant ce que je raconte » (37). Comment échapper à notre nervosité, notre incertitude, notre non-savoir face à « lâétrangeté » (57) de ce qui est, sa violence avec ses séductions ? En assumer ses tensions, ses tiraillements, mener et surtout écrire, creuser, plonger définitivement, même si aveuglément, dans sa « vie de triste conquérant » (63). Mais non pas en « resservant » convention et rationalité, « inventant » plutôt, trouvant (invenire) la tonalité, les moyens énonciatifs, le souffle permettant de garder ouvertes les portes de la connaissance-reconnaissance et de « lâenseignement qui manque à ma vie » (93). Valses & enterrements est précisément ce poème en prose qui nous livre, avec son charme et sa souriante-sérieuse sensibilité, le récit dâune « valse triste » (97), lâhistoire de ce qui manque à lâécrit, câest-à-dire « la blancheur de ton cou » (101), cet émouvant et mouvant écran où Marc Blanchet cherche admirablement à inscrire une délicate et fuyante vérité surgissant au sein du subjectif.

Michaël Bishop

Marc Blanchet, Valses & enterrements. La Lettre volée, 2018, 104 p., 17â¬. Fiche du livre sur le site de lâéditeur.
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