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chevauchée mortifère


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#1 gab

gab

    Tlpsien +++

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  • Une phrase ::Presque personne n'aime les vers, et le monde des vers est fictif et faux.
    Witold Gombrowicz

Posté 22 janvier 2019 - 06:52

Te supporter chaque jour, chaque jour quand il faut ouvrir les yeux, je sens ta présence, pas loin juste là ; il faut te supporter chaque jour et si parfois je t’oublie, tu tires sur mes rênes et je me cabre et ma crinière équine s’étire. Et j’y repense, à toi, et je ressens ton ombre malveillante sur mon dos, et je souffle je crache, qu’importe il faut que j’avance, que je tire les longues heures qu’il me reste. C’est paradoxal que je tienne tant à ce spectacle ridicule ; je pourrais tout arrêter là maintenant, lâcher prise, m’affaler, fermer les yeux, oublier, vivre heureux… Mais l’on sait bien que personne n’aime l’inconnu. Moi plus que tous, je souffre mais j’ai peur de ne plus souffrir. Alors je tire de toute mes forces, ta dominance sur le dos… Certains vont même jusqu’à se fabriquer un troisième poumon : mieux respirer, moins souffrir, aller plus vite, aller plus fort, et les muscles ne suivant plus, souffrir encore plus. Tu comprends la logique ? Par chez nous on aime se faire mal car on ne connait que ça. Alors je me fais mal, je souffle si fort que mes naseaux saignent, je galope si fort que mes sabots cassent, mais s’arrêter jamais, nous sommes toujours plus courageux, bien trop fier pour ça.

 

Mais les temps changent ; nous prenons le temps, lors des ballades en forêts, de parler entre nous, et l’on sait ; une émeute se prépare. Non que l’on ne veuille plus souffrir – nous y sommes biologiquement destinés ; mais je veux te voir au sol, je veux t’écraser de tout mon poids, toi et tes volutes de haine et de désespoir. Et je veux voir chacun de mes semblable faire pareil, couper en deux votre espèce de satané espèce d’espèce en robe noir, je veux te voir souffrir à ton tour. Je veux soulager mes pulsions maladives. Je veux voir pour une fois vos yeux, globuleux, exploser, gicler comme une grêle de septembre ; je veux entendre tes os suinter, tes lèvres rougir, ton dos porter mes volumineuses ventrailles.

 

                Mais vient le lendemain et la raison, et plus personne ne parle. Alors on se remet à cavaler, fuyant la vie. Tant que personne n’aura admis que la rébellion est notre seule chance, nous mourrons un jour écartelés par vos entre-jambes pernicieux, immoralité sanguine. Humains : ne vivons plus avec nos morts dans nos porte-bagages ; comment pouvons-nous, comment l’avons-nous un jour accepté ? Nous devons vivre avec la vie, nous arrêter, juste une petite seconde d’éternité. Vivre avec la vie éternelle.