2016-2018, câest-à-dire la période dans laquelle Pascal Boulanger prépare la sortie de son Anthologie chez lâéditeur Tinbad. Les gens qui estiment quâun poète devrait se contenter de créer et ne point écrire Journaux et Carnets méconnaissent la crise de notre époque. La lecture de ces Carnets mâincite à penser les générations. Si je considère les écrivains contemporains, je crois pouvoir distinguer ceux qui sâoccupent et ceux qui travaillent ; ceux qui remplissent et ceux qui traversent. Travailler accompagne un engagement. Lâengagement de Pascal Boulanger nâest plus (on ne sâen étonnera point) celui de « la génération Tel Quel » qui, laïque, se mouvait dans la fraîcheur sensuelle et rationnelle des couleurs dâun atelier en partie collectif. La génération de Pascal Boulanger est celle de la morale politique, et de la singularité affirmée (elle est aussi celle du noir). Plus dâutopie, de théorie dâensemble, de création au service de la révolution --- mais dans ce rythme pas de meilleur soutient que le christianisme (Que voulaient montrer les Evangélistes dans les déplacements du Christ ? Que les actes de foi ont plus de valeur que lâobservance des rites).
Pascal Boulanger a pris la résolution de balancer des actes de foi, quâil fait travailler (cela dépasse sa personne) pour lui. Il a cependant, comme sans doute tout écrivain, ses rituels quotidiens : « Cinq heures du matin, je suis debout, après le café et la première cigarette, je pioche au hasard dans ma bibliothèque,⦠» Les Carnets enregistrent les « pioches » dans la bibliothèque et les épinglages dâactualité. Les courts paragraphes sans dates rendent ici physiquement sensible lâinstant, lequel a pu être défini comme « le coup dâÅil de la résolution en laquelle sâouvre et reste ouverte la pleine situation dâun agir ». Mais Pascal Boulanger nâagit point dans lâatmosphère de « lâatelier », il est sur la ligne aride du chemin. Et il fonce. Pour exemple, Lâexpatrié de Pleynet est dâune tonalité (le retrait de la base) quâil ne peut que refuser. Traduit en publication, il faut à lâacte de foi un sain parti pris, non le suspens.
Claude Minière
Pascal Boulanger, Jusquâà présent je suis en chemin. Carnets 2016-2018, Tituli, 181 p., 16â¬.
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