~Dans le rayonnement immense du soleil,
La prairie, où toujours paissent les vaches brunes,
Ondule comme un lac de gazon jusqu'aux dunes
Qu'un ciel merveilleux baigne au fond de l'air vermeil.
Une exquise rosée irise l'herbe rase,
Broutée incessamment par les nombreux troupeaux,
Et met un nimbe au front des bêtes dont les peaux
Reluisent aux endroits qu'un trait de flamme embrase.
Parmi les beuglements répétés alentour,
L'étalon, redressant son col souple, déploie
Ses larges reins où court un long frisson de joie,
Et, superbe, hennit dans la gloire du jour.
Ebloui de lumière, un ruisseau d'or serpente
Parmi l'herbe argentée aux brumes du matin,
Fume de plus en plus vers le vibrant lointain
Et descend, immobile, une invisible pente.
Un pâtre est là, perdu dans un rêve profond,
Au bord du ruisselet tout embaume de menthe,
Sous le tourment confus d'un souci qui fermente
Au fécondant soleil dont l'ardeur mord son front.
Car la gardeuse vient, là-bas vers l'autre rive.
Le jeune gars, les yeux tendus, les pieds distraits,
Planté droit comme un morne échassier de marais,
Admire de quel pas libre et calme elle arrive.
Elle vient, son reflet tremble dans le ruisseau;
Et par l'onde et par l'air son corps mignon se berce,
Double image au milieu de la céleste averse
Des mille rayons d'or en un double faisceau.
Et voici, sous ton charme, ô splendeur matinale,
Que l'Amour vermeil monte à son front rougissant;
Dans son cœur, comme au ciel, vibre le feu naissant,
Embrasement de jour et d'ardeur virginale.
Ils se taisent, les yeux dans les yeux, et le gars
Ne voit plus le soleil si ruisselant de flamme;
Tout s'efface devant ce visage de femme
Et le rayonnement vainqueur de ses regards.