Je suis entré clandestinement
Dans la maison de la poésie
J'ai brisé la fenêtre de la cave
Avec les cailloux de mon enfance
Je sifflais alors des chansons naïves
Pour prolonger mes rêves dans la nuit
Je me suis caché près de la monstrueuse
Cette fournaise brûlante de vivre
Et déjà, mes vers étaient en cendres
''Ralouer paratonne
Quand cantonner la fumée de rejet
Paradoxalement inquiet
Au cours du fourrage patenté
Béat du ce qui ballotte
Dans lu le livret paroissiale
Des bouts rockants écarlates
En cristal de Baccarat...''
Je voulais échapper à moi-même
Je prisais d'être un autre
J'ai grandi au cœur de la catastrophe
Avec les fantômes et les rats
De la littérature domestique
Mais chacun me raillait
Ma voix n'était que rouille
Par le caniveau
Je regardais tomber la pluie
J'apprenais la mélancolie
Et la mélancolie me prenait
Je m'inventais une origine aristocratique
J'attendais ma reine
Je m'habituais à l'odeur de l'humidité
Qui se mêlait à mes larmes
Puis la passion s'est éclatée
Un cœur violant me réclamait
Je ne savais le nommer
Le sébum m'envahissait
J'écrivais des poèmes étranges
J'en bavais avec les seins des filles
J'étais phosphorescent
Les fantômes et les rats
Me snobaient
Ils voulaient m'expulser de la cave
Je me suis expatrié vers le rez-de-chaussée
Là, tout m'était étrange encore
Mais d'une autre manière
La lumière brouissait mes yeux
On me parlait de Dieu
J'avais peur de mettre le feu
Par la grande fenêtre du salon
Je dévorais la mer
Je croyais que le ciel l'avait avalée
J'écrivais alors des poèmes décadents
Que les bateaux célestes
Déballaient de leur cales
Avec des mots saugrenus
Aux hales étonnants
J'apprenais le paradoxe
Et le goût de la nostalgie
Pendant qu'un parfum de lavande
Qui traînait dans le boudoir
Entretenait l'odeur de la femme
Dans ma poésie
Et me parlait d'idéal
Et je conjuguais l'amour
À tous mes rêves
Et la nuit quand venaient les étoiles
J'étais à genoux
Pour apprendre le nom des constellations
Alpha du Centaure, Capella ou Procyon
Dans mes mains se déposaient
Leurs murmures lointains et féminins
Que je buvais à m'en soûler
J'apprenais le désespoir
Et le désespoir m'amenait au silence
Que je cherchais à fuir
Par la drogue et l'alcool
Mes poèmes avaient les yeux rouges
Et la candeur d'un ado perpétuel
J'étais de mon temps
Et mes idoles frayaient avec l'enfer
J'abusais des dictionnaires
Des virgules emboucanées
Et des points d'interrogations bételgeux
Je flirtais avec les morts
Et je découpais des poèmes
Dans mes fantasmes psychédéliques
Je savais que je n'aurais jamais
Le talent pour écrire
Alors je défiais la poésie
Et j'allais du salon à la chambre
Pour racler et biner
La terre de mes ancêtres
Pour espérer voir pousser
Des aurores boréales
Dans mon crayon
Et la tête dégoulinante
D'éternité
J'écrivais toutes les nuits
Sachant qu'un nombre infini de singes
Avec un temps infini
Pouvaient écrire sur des claviers infinis
Des œuvres de génies
Et chaque nuit
J'allais compter les étoiles
Je voulais être assuré
Qu'il n'en manquait aucune
Et une nuit de pleine lune
Je laissai tomber l'écriture
Dans la berlue de l'Univers
Aveuglé d'orgueil
Je trébuchai dans la cheminée
Et revenu à mon point de départ
Je suis ressorti par le carreau brisé de la cave
Et maintenant je marche sur le chemin des roses
Et j'écoute le chant des oiseaux
L'autre matin, je me suis surpris
À siffloter une chanson enfantine...