C'est en ce dimanche d'avril
Que mon père est mort
Agressé par la nuit
Dans les braises rouges d'une lune
À quatre heures du matin
Dans la brève fragilité
D'une chambre à coucher
Le monde est si léger
À cette heure-là
Derrière son masque funèbre
La terre entière l'aimait
Quelques verres de cognac
Pour les insomniaques
Et les soucis mortels s'en sont allés
Dans les profondeurs inouïes
Que la vie est folle
De ses flamboyances
Et de ses voluptés
Quand de la marge
Je le regardais être
Avec la lucidité d'un suicidé
Je voyais un perdant
Un inadapté de son époque
De spectacles superficiels
Il s'en allait inconscient
Vers la gueule d'un fauve
Fasciné par son haleine cruelle
Et de jouissance en désespoir
Un samedi soir
Il s'est laissé croquer
Par ce sourire
J'écris à ce mort
Qui m'a sauvé
Avec ces mots
Qu'il m'avait donnés
Dans sa solitude de rocker
Pour se débarrasser
Des restants de la vie
Qui l'encombraient
Avant de monter au paradis
Je veux que ce poème
Aille vers celui qui l'écoutera
Derrière un masque d'ennui frivole