Aller au contenu

Photo

(Note de lecture), Eugène Savitzkaya, Ode au paillasson, par Jean-Pascal Dubost


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 06 mai 2019 - 09:30

<p> </p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"> <a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...8b7ab200b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Eugène Savitzkaya Ode au paillasson" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20240a4a8b7ab200b img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20240a4a8b7ab200b-100wi" style="width: 100px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Eugène Savitzkaya Ode au paillasson" /></a>Quand il nâécrit pas de faux romans, de fausses auto-fictions, dans de vrais faux genres littéraires, Eugène Savitzkaya lâche les tigres de son moteur imaginatif à dominante farce médiévale souventes fois. Les quatre textes réunis sous ce titre furent à lâorigine publiés en revue, dans <em>Luna Park</em> pour trois dâentre eux.<br /><br />Comme à son habitude, lâauteur déroute les genres. À lâorigine, lâode était un chant, lyrique en ce que le poète y laissait sâexprimer sentiments échauffés ; parfois crié ; dâun lyrisme choral. Les sentiments échauffés exaltaient de grandes pensées, de grands hommes, de grands faits, enfin tout ce qui trônait sur les hauteurs et à hauteur des dieux et des hommes évhémérisés, au pire héroïsés. Bref, autant une forme quâun genre de grande noblesse. Alors, faire se rencontrer lâode et le paillasson relève bien dâune farce digne dâEugène Savitzkaya. Un genre-forme noble et un objet des plus terrestres et pédestres qui soit, comme si lâauteur voulait nous signifier que les dieux et les héros, il sâessuie les pieds dessus ; ce qui ne serait pas étonnant de la narquoiserie savitzkayienne. Le titre, donc, nous annonce une confrontation entre le haut et le bas, en juste lignée de lâécriture de Savitzkaya et de son héritage rabelaisien. Le texte éponyme est présenté par lâauteur comme étant un « jeu de faces », avec choralité fidèlement à lâode (Annonceur public, Le Peuple invisible, Trois faces blafardes etc.), mais un jeu destiné à nous mener, comme pourrait lâinduire le jeu de mots homophonique face/farce, dans une farce burlesque où seul compte le verbe, avec forces allusions délicieusement grivoises ou impies comme il sâen trouva au temps de la farce médiévale (« <em>Comment aimes-tu ma courgette ?</em> », demande lâHomme nu à la Femme nue, « <em>Je me la fourre sous lâaisselle, je me la pousse dans lâoreille, je me la passe à la ceinture de soie, et je me la plie en deux</em> », répond-elle). Voilà donc lâode plongée dans les eaux de la farce. Le lecteur de lâauteur le sait, que celui-ci aime les fous, et lâensemble des quatre textes collectés (« Ode au paillasson », « La guerre des anges », « Peuples périssables » et « Contre lâhomme ») constitue une fête des fous verbale. « La guerre des anges » étant un déluge verbal préfigurant un déluge terrestre et céleste quâon dirait lecture croisée de <em>La Semaine</em> de Du Bartas et de la tenture de lâApocalypse :<br /><br />« <em>Au commencement, sur terre, lâeau était partout, couvrant le globe et saturant le ciel dâune grande épaisseur de voiles. On pouvait nager autant dans lâair que dans lâeau. Lâeau était lourde de sel et lâair était composé dâembruns épais dâun bleu inconnu aujourdâhui. Il arrivait aux poissons de sâélever de plusieurs centaines de mètres au-dessus de la surface des vagues avant de se rendre compte dâune différence chimique et de redescendre lentement dans lâeau. Câest à cette époque que les anges, issus de la mer, apprirent à voler, câest-à-dire à ramer dans lâair.<br /><br />Regardez le fleuve qui scintille.<br /><br />Au commencement, un ange survolait les flots, bien sûr un ange à six paires dâailes, grand comme le plus grand oiseau quâon puisse imaginer. Il y avait longtemps quâil survolait lâétendue que le soleil avait déjà verdie et bleuie, quand il vit dans une périssoire un ange dâun autre acabit, à moins que ce ne fût un cormoran noir. Lâange blanc, appelé ainsi en raison de la couleur de son ventre, voulut se poser sur frêle esquif pour prendre quelque repos. Lâange noir lui refusa la place. Un premier combat eut lieu à la surface des eaux primordiales. Lâange noir claqua du bec et battit des deux ailes. Douze ailes tombèrent sur lui et le précipitèrent dans les flots où il alla heurter lâécorce encore souple de la terre. Les eaux sâagitèrent, la terre vibra et se craquela. Les nombreuses parties de la croûte terrestre entrèrent en collision, se heurtant, se brisant, se chevauchant. Des pans gigantesques de roche surgirent à la lumière. De ce combat, de ce tumulte, naquirent des plaines et des montagnes contres lesquelles vinrent crever et sâépandre les nuées créant des torrents charriant des boues et des pierres. </em>»<br /><br />Eugène Savitzkaya aime les textes destinés à être proférés (comme <em>Nouba</em> par exemple) et appartient à la gent dramaturge de la prose, à lâinstar de Valère Novarina, dont les textes peuvent se proférer/performer sur scène, mais aussi se proférer dans le silence de sa lecture.<br /><br />Jean-Pascal Dubost<br /><br />Eugène Savitzkaya, <em>Ode au paillasson</em>, Ed. Le Cadran Ligné, 64 p., 14â¬. <a href="https://poezibao.typepad.com/poezibao/2019/05/anthologie-permanente-eug%C3%A8ne-savitzkaya-ode-au-paillasson.html" rel="noopener" target="_blank">Lire des extraits de ce livre.</a><br /><br /><br /></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/xqnb34pZBok" height="1" width="1" alt=""/>

Voir l'article complet