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(Carte blanche) à Philippe Fumery : N'oubliez pas Verlaine


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Posté 15 mai 2019 - 09:12

 

Nâoubliez pas Verlaine !

6a00d8345238fe69e20240a45de745200c-100wiDans son livre « Lâauteur » (1), Borges raconte quâil fut donné au poète Giambattista Marini de vivre intensément lâun des derniers moments de sa vie, alors quâil mourait dans un vaste lit espagnol à colonnes sculptées. Ce fut une révélation, à la vue dâune rose jaune quâune femme avait mise dans une coupe.
Borges écrit : Marini vit la rose comme Adam put la voir dans le jardin dâEden et il comprit quâelle existait dans son éternité et non dans ses phrasesâ¦

Yves Bonnefoy approuvait cette conception dâune présence du monde. Il rappelait, dans un entretien avec Pedro B. Rey (2) son estime pour lâauteur argentin. Borges était celui qui disait que lâacte dâécrire est une faute du fait précisément quâil se referme sur soi, abolissant cette présence dâautrui qui devrait être vécue, dans lâamour, comme la seule réalité.

Dans son poème « la lune », Borges parle du maléfice / De nous tous qui remplissons lâoffice / De changer nos vies en paroles. On perd toujours lâessentiel.

Yves Bonnefoy relate une dernière visite à Borges, peu de temps avant sa mort, alors quâil était hospitalisé à Genève, se souvenant des derniers mots quâil lui adressa : Borges se redressa sur son lit et dit, à voix forte : « Nâoubliez pas Verlaine ! ».

Ce qui arrive une fois se reproduit infiniment,
écrit Borges dans « Martin Fierro ». Ou encore : une chose ou une infinité de choses meurent dans chaque agonie⦠(Le témoin).

Ils le tuent et il ne sait pas quâil meurt pour quâune scène se répète. (La trame).

Philippe Fumery

1. Gallimard, 1965, traduction de Roger Caillois.
2. Lâinachevable, Entretiens sur la poésie 1990-2010, Albin Michel, 2010.


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