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(Anthologie permanente) Tristan Felix, Ovaine, la saga, par Christophe Esnault


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Posté 13 juin 2019 - 04:22

 

6a00d8345238fe69e20240a4654637200c-100wiTristan Felix a publié récemment Ovaine, la saga, aux éditions Tinbad.

On peut lire sur le site une note de lecture de ce livre, signée Christophe Esnault.





7/12/2008

Ovaine est mousse à bord d'un morutier. Elle vit avec un petit cochon bicolore qu'elle bourre d'épluchures pour Noël.

Comme elle ne sait pas nager, la nuit, elle descend dans le saloir, pour contempler les abysses dans l'Åil des morues.

Mais le sel a tout brouillé ; il n'a conservé que la mort.

Alors ils vont trouver le capitaine qui se dresse à deux mètres au-dessus de la barre :

âApprends-nous à plonger, de grâce !

Le capitaine, confondu, se liquéfie immédiatement ; son jus indigo se renverse dans la mer.

Dans ses yeux, les abysses font des spirales comme les épluchures.

9/12/2008

Les araignées du soir s'élancent des poutres pour emporter Ovaine dans un hamac de colle.

Elles la suspendent entre deux toiles pour la bercer au ras du ciel. Mais elle ne s'aperçoit de rien et rêve qu'elle fait du trapèze volant.

Sur la piste, tout en bas, une grosse guêpe accrochée au fesson d'un cheval, s'époumone : c'est un piège, file !

Ovaine, éveillée en sursaut par la douleur de la piqûre, hennit si fort que les araignées lâchent leur proie.

Ovaine, les quatre fers en l'air dans la sciure, commence son règne.



7/3/2010

Ovaine croise dans la Somme un homme des tranchées, complètement inachevé. Sa gourde rouillée fait gling gong toc.

Pour abréger sa mort, elle l'assassine au râteau, sans bavure. Puis elle le découpe à la craie afin de mener son enquête. (Elle doit bien s'y reprendre à plein de fois car le corps déborde toujours un peu.)

A la fin, le dessin est très ressemblant : il lui sourit presque, une main tendue parmi les betteraves.

Ovaine le relève en tapotant sa capote de brave pour faire tomber la craie.

Tout engourdi, il lui faut pourtant la quitter pour achever sa guerre, là-bas, derrière le talus couvert de gros escargots violets.


14/3/2010

Comment voir de face le dos d'un soldat ?

Il suffit de le doubler, puis de se tourner ; mais le soldat peut vous tuer.

Ovaine ne se démonte pas. À hauteur du soldat, elle s'élance et pan, tombe sur le champ. Le brave soldat pivote pour lui ôter la balle qu'elle a reçue dans le cÅur. (Comme son ombre est tiède et gigantesque en cette fin du jour...)

Mais sur le ventre elle a chu, avec tout son barda. Le soldat n'a la force ni le temps de la retourner.

Il continue sa marche et Ovaine reste dans la boue, ventousée au souvenir tiède d'une ombre.

On ne peut voir de face le dos d'un soldat (à copier cent fois pour demain).



28/1/2016

Un jour qu'Ovaine interroge les augures, elle note que le ciel est encombré de dieux et qu'il n'y a plus de place pour les oiseaux.

Avec célestitude et signalement précis des intrus, elle alerte son pote haruspice 

â Ruktator de Trucidie, Thanatop Le Pire, Vulgar Putrav, Violace Le Queutard, Obskar Fèce, Mollar Krash, Termitator Mec, et des pièces de rechange en pagaille ! Sans compter les poils !!! C'est le bazar !

L'haruspice de rire se pisse dessus en pleine rue : les dieux sont pipés, hi hi !

Le loup grêle d'Ovaine, un instant distrait, reprend sa conversation avec un bébé rouge-gorge si ému du poitrail de sa maman

qu'il est tombé du nid.


30/I/2016

Ovaine, sans sa blouse de travail, a la biglouse : les formes de l'univers fondent, l'intérieur du dehors se confond avec l'extérieur du dedans, les crêtes s'émoussent et les creux bombent le torse.

Que faire ? Remettre sa blouse et le sens dessous dessus ?

Voilà qu'en le flou de l'univers, un fou tente de fourrer tout dans ses fouilles.

Alors ne plus bouger... Laisser filer en douce les images tombées de ses poches jusqu'à ce qu'elles recouvrent un reste de mémoire.


Bientôt Ovaine remet sa blouse car, dans sa poche à elle, une famille de pipistrelles s'est installée, la bouche pleine de moustiques.

Tristan Felix, Ovaine, La saga, Tinbad, 2019, 226 p., 23 â¬, pp. 79, 11 et 200.
Lire cette note de lecture de Christophe Esnault.


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