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(Les Disputaisons) La critique en poésie, Anne Malaprade


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Posté 18 septembre 2019 - 10:38

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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><em> <a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...34f0a200b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Image disputaison" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20240a4d34f0a200b img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20240a4d34f0a200b-100wi" style="width: 100px; margin: 0px 5px 5px 0px;" title="Image disputaison" /></a>Poezibao</em> propose une nouvelle rubrique, intitulée Les Disputaisons. Il sâagira à chaque fois de débattre dâune question littéraire, en donnant la parole à plusieurs intervenants sollicités directement par le site. <br /><br /><a href="https://poezibao.typepad.com/poezibao/"><em>Poezibao</em></a> inaugure cette rubrique avec une première série à parution aléatoire, qui comportera sans doute une quinzaine de contributions. Le thème : la critique en poésie. Cette nouvelle rubrique comme cette première Disputaison ont été conçues par Jean-Pascal Dubost (lire <a href="https://poezibao.typepad.com/files/une-disputaison-2.pdf">ici la demande adressée aux contributeurs sollicités pour cette première disputaison</a>)<br />            <br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: center;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"><strong>Anne Malaprade</strong><br /><br /></span></p>
<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';">Je crois avoir très rarement <em>publié</em> des comptes rendus concernant des livres mauvais et donc pas aimés, alors que jâen ai rédigé un certain nombre destiné à des comités de lecture ou des institutions tels le CNL. Dans ce dernier cas, je ne choisis pas le livre mais mâengage avant sa lecture à rendre compte de sa spécificité,<em> travail</em> que je considère alors comme un service, un devoir, un dû, une réponse à un contrat, bref une sorte de « commande » qui exige une forme de neutralité bienveillante et responsable : professionnelle, efficace, tranchée aussi bien que tranchante. Un ordre ? Jâexécute, sans état dââme, parfois au double sens du verbe. Jâexécute, sans mon corps et sans corps. La proposition de Jean-Pascal Dubost est lâoccasion dâessayer de comprendre ces gestes parallèles. Lâun, visible et heureux, destiné à des lecteurs anonymes et inconnus â la publication dâune note concernant un livre volontairement élu. Lâautre, relativement invisible, plus ou moins heureux, parfois assez malheureux, destiné à un commanditaire qui est aussi un « supérieur hiérarchique ». Dâune part écrire une note sur un texte ouvrant un monde sensoriel et que jâai choisi pour cette raison, puis le proposer à une revue ou un site afin de la publier. Dâautre part écrire un « rapport » sur un texte que je nâai pas choisi, que je vais ou non aimer, mais cette fois pour le compte dâun « patron », dâune institution, dâune structure déterminée⦠<br /><br />La lecture de certains livres me donne envie dâécrire, et cette envie à son tour me donne envie de publier. Dans le mot « envie » je vois et entends plutôt lâexpression « en vie ». Je suis en vie quand jâécris, dans la vie, dans une vie vraiment vivante. Or jâaime écrire : câest brûlant, intense, érotique, toujours pulsionnel, « ça » passe en moi, et la publication fait (permet) que « ça » (une vie allumée ?) ne sây arrête pas. Je lis, entre autres, pour écrire, parce que ça va <em>me faire</em> dâécrire et poursuivre ma lecture par lâécriture, parce que ça me lance, me nourrit, me donne une énergie et un carburant : mots et pensées, phrases et propositions ouvrent une scène ou un monde. Ce quâun texte plat, fade ou inconsistant est incapable de produire, impuissant à me donner. Je ne peux écrire que pour témoigner dâune rencontre. Pour exprimer à mon tour quelque chose qui soit juste (utile ? intéressant ? vivant ? vrai ?), je dois être touchée, arrêtée, surprise, inquiétée, bouleversée, questionnée par une langue étonnante qui configure son réel et reconfigure le mien. Câest afin dâessayer de comprendre cette force, ce plaisir obscurs <em>et</em> certains, cette mise à lâépreuve par le texte, que je mets des mots sur ce que je lis, tentant de prolonger et de suspendre ces multiples affects qui me traversent lors de ce carambolage avec le texte. Un accident, câest de cela quâil sâagit. Écrivant le mot « accident » le souvenir de <em>Crash !</em> de J. G. Ballard me passe dans le corps. Ce qui mâattire et me séduit, câest ce que je ne comprends pas, câest ce qui mâinterpelle, me dérange, me surprend, me criblant dâéclats verbaux non identifiés⦠Dire quelque chose dâun texte qui me déplaît, ce serait comme me forcer à coucher avec un homme pour lequel je nâéprouve aucune attirance, ou frapper un être faible et malade, un être à terre et déjà sans vie, un mort-vivant. <br />Il me faut éprouver un attrait pour une étrangeté qui éveille le désir de mots en moi, des mots la plupart du temps enfouis et arrêtés, en état de somnolence, mots attentifs cependant, prêts à reconnaître dâautres mots magnifiques et inquiétants, à les affronter, les provoquer pour aller au-devant dâeux. Des mots miens qui sâefforcent de cerner lâétrange sans pour autant le circonscrire. Des mots en moi qui entretiennent et protègent lâAutre dans le livre, quâil soit fulgurance ou suspens. Un texte existe, crépite, il me saisit, se saisit de moi. Rendre compte de ce rapt silencieux et irradiant. Toutes les vibrations, les chocs, les ruptures, les excitations quâil occasionne, il devient nécessaire dâen dire quelque chose, pour témoigner dâune beauté ou dâune laideur qui heurtent autant quâils éblouissent. <br />Un texte maladroit, bancal et/ou prétentieux, mâensommeille jusquâà mâassommer : me donne un sentiment de vanité et dâinertie que je nâai pas la curiosité dâexplorer. Je considère comme une relative perte de temps de lui consacrer du temps. Car pour écrire sur un livre il me faut lâapprivoiser, mesurer et provoquer ses capacités explosives. Câest cette aventure temporelle, qui sâinscrit dans la durée, que lâécriture critique telle que je lâentends voudrait accompagner. Un texte fade et convenu, je crois le comprendre assez rapidement, et il nây a finalement aucune excitation intellectuelle ni physique à dire et nourrir cet engourdissement. Je dis bien ennui, et non <em>malaise</em> â le <em>malaise,</em> lui, est justement insaisissable et fuyant : une donnée oblique à laquelle lâécriture doit se confronter. Je ne connais le plaisir dâécrire que lorsquâil sâagit dâaccompagner une discontinuité et un tempo : ces qualités, les livres généreux me les offrent. Ils font tumulte en moi. Jâobserve ces révolutions intérieures autant que je lis et relis le projet qui lâa ordonné. <br />Un texte fort est un texte qui me dépouille, qui prend les armes et pille quelque chose. Pourtant il donne et transmet. Et je dois et je veux, dans lâurgence, répondre de cette expérience.<br />Finalement, câest très facile de <em>me</em> dire, et <em>a fortiori</em> de dire à autrui pourquoi tel livre mâindiffère. Ce texte sans adresse est un texte sans arme ni aventure, sans tenue ni mystère. Il en dit déjà trop : dâemblée il se montre dévoilé, contrôlé contrôlable, bavard et redondant, ou silencieusement factice. Lui répondre câest répondre à lâévidence. Ou plutôt câest répondre à une question qui nâest même pas posée : une question dont je sais quâelle est déposée ailleurs, dans dâautres livres, dâautres lieux, dâautres corps. Alors je continue de la chercher, ne mâarrête pas cette fois. Répondre au convenu câest répondre à lâennui par une pratique qui mâennuie et dont jâimagine quâelle ne peut quâennuyer les lecteurs et lâauteur concerné. Par contre, ces textes dont je sens et jâimagine â car il y a bien sûr une part essentielle de projection fantasmée dans toute critique â que ma lecture ne pourra jamais achever leurs mouvements secrets, ils déclenchent un désir au travers duquel je leur donne une part de moi, afin de témoigner dâune rencontre improbable, qui a toute la vie, toute ma vie, toutes les vies devant soi.<br /><br /><strong>©Anne Malaprade<br /><br /><br /></strong></span></p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/5_si5LuWkOk" height="1" width="1" alt=""/>

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