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(Notes sur la création) Kurt Schwitters, Sur la valeur de la critique


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Posté 30 septembre 2019 - 11:21

 

Kurt Schwitters : « Sur la valeur de la critique »

Pour juger de la valeur de la critique, il faut dâabord se demander quel est son but. Doit-elle être un intermédiaire entre lâartiste et le spectateur, ou donner à lâartiste un avis impartial sur lâÅuvre dans un but de conseil ; ou encore montrer la valeur de lâÅuvre critiquée en lien avec quelque programme politique ; câest-à-dire : la critique doit-elle transmettre, instruire ou organiser ? Je tiens pour faux lâorganisation et la formation, car lâartiste doit rester indépendant de toute influence extérieure à son Åuvre même. Il resterait donc comme but de la critique, la transmission.
Pour transmettre, le critique doit connaître lâÅuvre de manière approfondie, sa compréhension pour le langage de lâÅuvre et sa tolérance doivent être suffisantes, pour ne lire lâÅuvre que comme elle lâentend. Sa connaissance de la nature de lâart et des Åuvres doit être tellement étendue quâil décèlera effectivement ce qui est singulier dans lâÅuvre dâart.
En outre le critique, pour être compris, doit tenir compte de la culture du lecteur ; enfin, il doit avoir lui-même suffisamment de force créatrice pour assurer ce rôle dâintermédiaire. La façon dont il sây prend est son problème ; dans ce cas, il est lui-même artiste et câest pourquoi on ne peut lui dicter sa conduite. En ce qui me concerne, jâai une préférence pour une critique elle-même Åuvre, câest-à-dire une Åuvre analogue à celle critiquée, par les moyens du langage.
La critique nâaura de valeur concrète que si le lecteur ne fait pas que lire la critique, mais va aussi sur place regarder lâÅuvre. Selon mon expérience, la compréhension dâune Åuvre ne peut venir que par lâobservation et lâexercice de lâÅil, peut-être aussi en pensant, mais jamais en réfléchissant. Le meilleur critique sera donc celui qui développe la capacité de réception du lecteur, en lâincitant à faire un effort sur lui-même et à laisser lâÅuvre agir sur lui.
Je conseille en revanche au profane qui aime lâart, de travailler à ses propres capacités artistiques. Quâil soit critique à lâégard des critiques. Quâil contrôle la critique en regardant lâÅuvre. Une bonne critique doit pouvoir supporter la comparaison avec lâÅuvre dâart critiquée. Et de toute façon, lâobservation devrait être la base des considérations du profane sur lâart.

« Über den Wert der Kritik (Nachtrag). Meine Ansicht über den Wert der Kritik (Für den Ararat) », Der Ararat, Hanovre, II, n° 5, mai 1921. Lach, Band 5 Manifeste und kritische Prosa, p. 87-88. (Éd. Dumont verlag), traduction : Isabelle Ewig & Patrick Beurard-Valdoye.


Ce texte, paru dans la revue Action poétique, n°202, dossier Kurt Schwitters a également paru sur le site Sitaudis, le 15 février 201&. Il a été proposé à Poezibao par Jean-Nicolas Clamanges, en écho à la Disputaison en cours sur le thème "La critique en poésie"


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