Aller au contenu

Photo

(Note de lecture), des disparitions avec vent et lampe, de Fanny Garin, par Julia Lepère


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 07 octobre 2019 - 09:08

 

6a00d8345238fe69e20240a4db5fdb200b-100wiCe premier recueil de Fanny Garin, des disparitions avec vent et lampe, est un livre qui trouble. Il est de ceux dont la voix vous reste longtemps après lâavoir entendue, sans doute parce quâelle est sensible au sens premier du terme, à savoir quâelle vous ramène au plus près de sensations, dâune perception aigüe du monde. Egalement parce que ce recueil multiplie les points de vue, les regards, les possibles, et quâen semant cette confusion qui est le propre du langage inconscient, il nous fait entrevoir un autre monde entièrement poétique où rien nâest ce quâil paraît et où le sens se dérobe. Le regard est toujours tourné vers, s'il s'introspecte c'est dans un mouvement vers le dehors, pour faire entendre d'autres voix, faire voir d'autres lieux, saisir des fragments du monde plutôt que de soi.

Dans la première partie, toutes les parties du corps semblent se dévoiler ; câest comme si la Fanny Garin montrait pour mieux faire disparaître ensuite, en introduisant des éléments étrangers au sein des images. Ainsi, les poignets se recouvrent dâalgues, la peau du ventre file et les cheveux sont des chevaux dans le cou. La langue se propose dâemblée surréaliste, imprévue. Se pose la question du récit poétique : quel endroit, quel événement -fiction, quelles circonstances. Le lieu est clos : des mots parviennent, des histoires dâailleurs surgissent au gré d'une conscience-inconscience, de l'incertitude d'un regard dessinant les contours d'êtres et de paysages, d'une chambre qui est peut-être le lieu de l'écriture, celui où tout se rassemble. Lâon finit par voir la chambre (sans doute une chambre de morte), définie comme réelle, mais à la manière dâun tableau de Francis Bacon où les objets se tordent et où le visage sâoffre multiple et aucun à la fois. Objets autour desquels la fiction tente de se tisser. Cependant quelque chose résiste, lâécriture est contrariée, tente de dire sans savoir si câest ça quâelle veut dire.

Ainsi dans une parole précise, intime, déroutée, la poétesse interroge le réel en interrogeant le langage, et dans ce double mouvement nous glissons dans les images : sur une chaise, à regarder une lampe qui nâest pas un arbre, à rêver dâeau et de vent après la disparition dâun corps, à être au cÅur du lieu des résonances, qui transforme non seulement le monde extérieur, mais aussi le monde intime. Et c'est à mon avis le vrai enjeu de la poésie de Fanny Garin. Et ce risque pris -car c'en est un- vous laisse avec un goût de vent sur la langue, et la sensation d'avoir, un instant, regardé sous des paupières fermées.

Julia Lepère

Fanny Garin, des disparitions avec vent et lampe, éditions Isabelle Sauvage, 2019, 92 p., 15â¬
Sur le site de lâéditeur

Extrait :

« et maintenant
les pieds froids tenus sur la chaise le corps sâest tu
écrire permet de ne pas désirer et pourquoi pas
que ferais-je
devant une nappe ou la mer

rien nâest détruit ne brûle une maison de vacance
sans histoire seule,
la sensation de quelques corps humides, autrefois,
petits  

reste » (p.40)


BH6pverU-Yg

Voir l'article complet