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<p class="MsoNormal blockquote" style="line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px; text-align: justify;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif';"> <a class="asset-img-link" href="https://poezibao.typ...16b4f200c-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Roberto Juarroz poésie et réalité" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e20240a4916b4f200c img-responsive" src="https://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e20240a4916b4f200c-50wi" style="width: 50px; margin: 3px 15px 5px 5px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Roberto Juarroz poésie et réalité" /></a>Le poète cultive les fissures. Il faut fracturer la réalité apparente ou attendre quâelle se crevasse, pour capter ce qui est au-delà du simulacre. Nous sommes loin de la beauté cultivée en serre, de lâextase sentimentale, de la littérature transformée en jeu, en refuge hédoniste, en virtuosité ou en recherche de lâimpact. Nous sommes loin du journalisme déguisé en actualisation de la vérité, de la critique qui prétend soumettre la création à une grille pseudo-scientifique ou à un système à la mode pour justifier ses interprétations et ses valeurs. Enfin, nous sommes également loin des disciplines comme la philologie ou la linguistique qui, même si elles étudient le langage avec un certain sérieux, ne pourront jamais rendre compte de la poésie, car elles oublient, entre autres choses, cette idée dâEmerson rappelée par Borges lors dâune de ses dernières entrevues, peu avant sa mort : « Le langage est de la poésie fossile ». Autrement dit : la poésie est la vie non fossilisée ou défossilisée du langage.<br />Oui, le poète cultive les fissures, surtout le poète moderne. Voilà pourquoi, peut-être, il est seul, car câest uniquement ainsi quâil peut remplir sa tâche. Il nâignore pas le sens ultime du texte du rabbin Joseph Ben Shalom, de Barcelone : « Lâabîme devient visible à chaque brèche. À chaque transformation de la réalité, à chaque mutation de forme ou chaque fois que sâaltère un état de chose, lâabîme du néant est traversé et devient visible par la grâce dâun instant mystique passager. Rien ne peut changer sans quâait lieu le contact avec cette région de lâêtre absolu. » [...] Le poète est un mystique irrégulier, un étrange mystique qui parle, tout en sachant que le silence est à la base de tout â ou quâil est la base de tout, y compris de la parole. <br /><br /><em>DIVIDENDES DU SILENCE<br /><br />Que peut écouter une oreille<br />quand elle sâappuie sur une autre ?<br /><br />Lâabsence de la parole<br />est un long signe moins<br />qui se dessaisit de son chiffre.<br /><br />La couleur est une autre façon<br />de rassembler le silence.<br /><br />La forme est un espace distinct<br />qui fait pression sur lâautre espace<br />comme le ferait une écorce.<br /><br />Un oiseau recule<br />devant un soleil carré, noir<br />et sâarrête à lâenvers sur le fil métallique<br />où se tait une pensée.<br />Et la pensée recule à son tour devant lâoiseau<br />comme lâélastique dâune fronde<br />qui lance des projectiles de silence.<br /><br />Un poisson affolé<br />éparpille le cÅur de lâeau<br />au centre de lâhomme<br />pour y ouvrir lâespace<br />où peut nager<br />le silence du poisson,<br />son acrobatie dâabsence.<br /></em>Roberto Juarroz, <em>Poésie et réalité</em> â traduit de lâespagnol par Jean-Claude Masson â Éditions Lettres vives, 1987, 2^e édition, p. 22-24.<em><br /><br /></em><strong>Contribution de Jean-Nicolas Clamanges<br /><br /><br /></strong></span></p><img src="http://feeds.feedburner.com/~r/typepad/KEpI/~4/BmtcROihTt0" height="1" width="1" alt=""/>

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