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(Anthologie) Les Choses Les Gens, de Federigo Tozzi


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Posté 22 novembre 2019 - 09:55

 

6a00d8345238fe69e20240a4edd421200b-100wiOn peut lire cette note de lecture de Marc Blanchet sur Les choses les gens de Federigo Tozzi

[Les choses]
« Entre les étoiles et nous, il y a une amitié qui, lorsque nous nous en apercevons, paraît se rapprocher de Dieu. Alors, notre âme s'ouvre à toute l'immensité de l'univers, et les choses les plus lointaines sont également plus intimes que les plus proches. À l'évidence, les montagnes sont également là pour nous tenir compagnie ; et nous en éprouvons une violente émotion. Il semble aussi que, pour parcourir son chemin, le printemps traverse le milieu de notre âme et que ses ombres elles-mêmes sont douces. Si, au contraire, à certaines heures, nos yeux se fermaient et que nous ne voyions plus rien, nous serions assaillis par on ne sait quelle peur ; car notre âme a besoin de tout ; et il est des états d'âme qui ne sont constitués ni par des pensées ni par des rêves, mais par des choses mystérieuses, dont la sensation indéfinissable seule nous parvient. Nous avons en nous une existence faite de musiques silencieuses qui donnent à nos mots la sonorité de notre humanité individuelle ; de la même façon, chaque chose possède une voix qui découle de sa matière et de ses formes. » (Fragment 1)

«  Les fleurs nâétaient pas celles que je voyais ; mais celles du temps passé ; celles qui avaient toujours leur odeur dans mon âme ; celles dont je peux seulement rêver ; celles que je vois seulement quand je pleure. Mais le vent continuait à souffler et ne les trouvait plus. Les collines étaient toutes vertes, et il nây avait aucun pétale qui en fût le signe. Et le vent et moi sommes restés seulement lâun contre lâautre. » (Fragment 24)

Jâai constaté quâil est des pensées plus légères que les rêves, qui naissent et meurent comme la rosée. Et il y a, au contraire, des rêves qui peuvent se ficher en travers de la réalité comme des clous qui se brisent plutôt quâils ne se laissent arracher. Je ne sais laquelle des ces deux choses préférer ; parce que parfois la musique ne suffit plus à mon besoin de voir. Mais jâai tendance à donner aux rêves tout ce que je soustrais à la vie quotidienne. » (Fragment 49)

« Au soleil, les papillons semblaient être les flammèches de choses qui brûlent. » (Fragment 93)

*
[Les gens]
Je voudrais savoir si, lorsque jâétais un jeune garçon, un vieil homme mâaccompagnait lors de mes promenades ou si câest moi qui lâimagine.
Dâautant plus quâil nâest pas le seul de ces personnages qui appartiennent peut-être seulement à la mémoire de lâimagination ; parce que, certes, il est une vie à laquelle seule notre âme participe ; comme si nous avions le temps de véritablement participer à tout ce qui existe dans notre âme. Ce vieillard peut, cependant, avoir véritablement existé ; parce que je me souviens même de son prénom. Mais il est si loin de moi que je parviens seulement à le revoir sur un bout de route ensoleillée, sans la reconnaître et sans même comprendre où elle commençait.
Une bonne part de notre vie disparaît ainsi ou sâégare dans une ambiguïté indéfinissable ; à lâinstar de ces vieilles croûtes dont le sens sâest perdu. Et ainsi, cette cendre de nous-mêmes nous sert le long de notre chemin quotidien !
Sur ce vieil homme, je suis sûre que je ne parviendrai jamais à en savoir davantage. » (Fragment 26)

Federigo Tozzi, Les Choses Les Gens, traduit de lâitalien par Philippe di Meo, Éditions La Baconnière, 2019, 205 p., 19 â¬

« Peu avant de disparaitre, Federigo Tozzi avait conçu une trilogie dont seul le premier volet, intitulé Les Bêtes, fut publié de son vivant. Les choses et Les gens suivaient. Mal connus, ces deux derniers pans ont été publiés à titre posthume en 1981. Récits, raccourcis ou fines décalcomanies, ces courts fragments dâune fraicheur de style et de langue inégalée se nouent subtilement autour dâun thème annoncé dès le titre, dâapposition en apposition. Inspirée par la lecture des prosateurs et nouvellistes médiévaux, dont Boccace et Sacchetti, la forme brève et précise est gage dâauthenticitéÌ car elle interdit toute généralisation. Elle se borne aÌ attester un fait, un événement ou un trait de caractère. Tozzi entendait inventer un nouveau genre littéraire. Sa trilogie témoigne à cet égard de son éclatante réussite.
« L'Åuvre de Federigo Tozzi se situe à mi-chemin de la ville de Sienne et de la névrose »
Giorgio Manganelli » (Site de l'éditeur)

Deux petites notes biographiques :
Federigo Tozzi est né à Sienne en 1883 dans une famille de la petite bourgeoisie. Il vit une adolescence torturée. La mort précoce de sa mère, des rapports anguleux avec un père autoritaire nây sont pas pour rien. Collaborateur de diverses revues et journaux, ses écrits furent publiés chez Treves, un des éditeurs les plus prestigieux de lâentre-deux-guerres. La rencontre du romancier et critique Giuseppe Antonio Borgese et lâaide désintéressée de Pirandello lui permettent de trouver sa place. Il publie son Åuvre maitresse, Les yeux fermés en 1919. Il meurt prématurément à lââge de 37 ans de la grippe espagnole. Longtemps méconnu du grand public, il est aujourdâhui tenu, avec Italo Svevo et Luigi Pirandello, pour lâun des écrivains les plus orignaux et novateurs du XXe siècle italien. (site de La Baconnière)

Federigo Tozzi (1883-1920) est un auteur italien sorti tardivement et progressivement de lâombre. Natif de Sienne et autodidacte, il passa son adolescence à lire à la Biblioteca Comunale avant de devenir journaliste à Rome, de rencontrer Pirandello et de fonder la revue La Torre. Dâabord auteur de poèmes (La zampogna verde puis La città della Vergine), il se tourne vers le roman (Tre Croci, Il Podere) après la Grande Guerre où il sert comme journaliste auprès de la Croix Rouge. Datant de cette charnière existentielle comme générique (1915-1917), Bestie est un recueil de textes fragmentaires où les animaux entrent en scène. (site de lâUniversité dâAngers)

Bibliographie en français
Federigo Tozzi , Les Bêtes (Bestie), traduit de lâitalien par Philippe Di Méo, Collection Biophilia, José Corti, Paris, 2012, 111 pages.
Federigo Tozzi, Les Choses Les Gens, traduit de lâitalien par Philippe Di Meo, Éditions La Baconnière, 2019, 205 p.
Pour des éléments bibliographiques plus complets, avec dâautres traductions en français, voir le site de la BNF


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