quand il avait ouvert les yeux, ce jour-là,
son paysage familier n'était plus le même,
mieux dessiné, plus présent, plus beau
d'une immobilité et d'une netteté parfaites
dans la lumière grise de l'hiver,
comme dans une gravure à l'eau-forte
et quand, soudain, la fine branche dénudée
du frêne s'était mise à trembler un instant,
après qu'un oiseau s'était envolé,
cette vibration incongrue en ce seul point,
à elle seule semblait rompre l'unité du tableau
les lignes et les contours étaient plus nets,
les verts tous différents,
d'acier pour les lauriers, l'arbousier, le troène,
gris pour l'olivier, bleu pour les pins et le cèdre,
presque jaune pour le laurier-amande,
sous la lumière uniforme et éteinte de l'hiver
une grande nature morte,
s'inscrivant dans le rectangle de la fenêtre,
comme figée dans le temps
sur un fond permanent gris cendre,
. . . dont il retrouverait bientôt le reflet inversé
sur l'eau mouvante du bassin, un peu brouillée
mais dans une débauche de lumière bleue
et lui resterait là, incrédule, subjugué, pensif,
transporté d'un univers sombre à l'empyrée,
comme dans un commencement du monde,
ou comme dans un rêve