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(Anthologie permanente), Mireille Gansel, La Voix du fleuve, choix d'Isabelle Baladine Howald


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Posté 11 mars 2020 - 10:42


6a00d8345238fe69e20240a4f0cd0b200d-100wiEt quand il nây eut plus personne à Budapest, je veux dire plus personne de ces langues qui nâexistent plus, de ces ferveurs et compassions qui ont traversé lâextrême, un soir sur la route du retour de Timisoara et des Communautés tziganes, jâarrivai dans la ville pour moi désormais déserte. Il se faisait tard. Où dormir ? le plus près possible des sources. Et câest ainsi que, à tout hasard, jâallai demander à lâhôtel sous lequel passent les sources qui descendent du mont Gellert, sâils avaient encore sous les combles de ces petites chambres de courrier ? Câest là que je passais ma dernière nuit. Au dessus des sources chaudes â


*

Et comme en écho du fond de lâabîme, ce Cantique de Nelly Sachs, quête du fiancé assassiné à Auschwitz :

« Je décèle lâénergie de la lumière qui fait voler en éclats de musique la pierre
Lettre de Nelly Sachs à Paul Celan
 (9 janvier 1958)

â¦
Dans lâéclipse du soleil
le vert est damné en cendre
Les oiseaux étouffent dans lâangoisse
car lâincertain approche â
traîtreusement découpée à même la nuit
la mort-lumière traîne
dans le sable lâhistoire de cette quête
â¦
Constellation du bien-aimé
éteinte sous le souffle du bourreau
â¦
Elle cherche, elle cherche
de sa douleur embrase lâair
â¦
Elle cherche et dans sa pauvreté
prend danse sa bouche la miette de terre en signe dâadieux
continue de ressusciter.

(Traduction de Mireille Gansel)

*

Et chaque soir à la tombée du jour tu descends au sous-sol, et là, dans un renfoncement sous lâescalier, tu allumes trois lanternes de métal posées sur la pierre, elles disent les départs les relais dans la nuit, leurs flammes tremblent derrière les petites vitres et découpent les silhouettes des trois malles debout sur les dalles, lâune haute et massive du temps des longues traversées en paquebot, et sur chacune de lointaines traces dâétiquettes et trois initiales en noir, et à côté, une petite valise vert pâle en fibre vulcanisée les coins en métal en métal terni un peu cabossés, et devant, deux chaises en paille, comme pour attendre veiller et à voix basse tu dis « elles étaient là quand on est arrivés elles appartenaient à un grand musicien ainsi de notre vie elles sont lââme de la maison. » -

*

Ou sur cette petite Place, au cÅur de la ville, Solplatz : Place de lâeau saline â mais jâaimerais traduire : Place de la Fontaine de sel, car il y eut là une petite fontaine appuyée au mur de la Synagogue, dans le quartier pour tout le monde, câétait Börnchen, elle était la source vive du Mikvé, et le nom de cette petite Place, point de rencontre familier et petit centre, pour tout le monde câétait le mot yiddish Dalles qui dit aussi pauvreté, besoin, nécessité -


Mireille Gansel, La voix du fleuve, La Coopérative, 2020, 123 p., 15â¬,

Un tout autre choix, dans ce livre, aurait pu être fait, notamment sur lâAfrique, sur lâenfance, la nature.
Mais lâEurope des écrivains et des juifs me semble être, comme dans tous les livres de Mireille Gansel, le cÅur incessible.

Isabelle Baladine Howald


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