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(Anthologie permanente), Paul Celan, Corona, trois traductions, choix et présentation d'Isabelle Baladine Howald


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Posté 12 mars 2020 - 10:36

 

6a00d8345238fe69e2025d9b3ba566200c-100wiLe poème Corona de Paul Celan fait partie du recueil Pavot et mémoire (Bourgois).
Il a été écrit à Vienne en 1948 et dédié à Ingeborg Bachmann, ainsi que 23 autres poèmes, annotés plus tard au crayon « für dich » (pour toi), sur lâexemplaire de la seconde édition de 1954, quâil lui a offert.
Comme souvent les poèmes de Celan, celui-ci recèle une énigme, ne serait-ce que par son titre.
Trois traductions sont proposées, avec leurs échos différents.

Il mâa semblé quâen cette période « virale », Corona, un poème dâamour, était à lire ou relire, en laissant ouvertes sa dernière strophe et sa fin « Es ist Zeit », « Il est temps ». De quoi, au juste ?...

Isabelle Baladine Howald


Paul Celan : Corona
Version originale et trois traductions

Corona

Aus der Hand frisst der Herbst mit sein Blatt :
                                                wir sind Freunde.
Wir schälen die Zeit aus den Nüssen und
                                                lehren sie gehn :
die Zeit kehrt zurück in die Schale.

Im Spiegel ist Sontag,
im Traum wird geschlafen,
der Mund redet wahr.

Mein Aug steigt hinab zum Geschlecht der
                                                           Geliebten :
wir sehen uns an,
wir sagen uns Dunkles,
wir lieben einander wie Mohn und Gedächtnis,
wie schlafen wie Wein in den Muscheln,
wie das Meer in Blutstrahl des Mondes.

Wir stehen umschlungen im Fenster, sie sehen 
                                            uns zu von der Straße :
es ist Zeit, dass man weiß !

Es ist Zeit, dass der Stein sich zu blühen bequemt,
dass der Unrast ein Herz schlägt.
Es ist Zeit, dass es Zeit wird.

Es ist Zeit.

*

Corona

Lâautomne mange sa feuille dans ma main :
                              nous sommes amis.
Des noix que nous cassons nous retirons
le temps et nous lui apprenons à marcher :
le temps sâen retourne aux coquilles.

Au miroir câest dimanche,
en rêve câest quâon dort,
la bouche parle vrai.

Mon Åil sâen va là-haut au ventre de ma bien
                                                                      aimée :
nous nous regardons,
nous nous disons des choses sombres.
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme le vin dans les coquil-
                                                                        lages,
comme la mer dans le rai sanglant de la lune.

Nous nous tenons là, étreints dans la croisée,
          ils nous regardent depuis la rue :
il est temps que lâon sache !

Il est temps que la pierre veuille fleurir,
quâun cÅur palpite pour lâinquiétude.
Il est temps quâil soit temps.
Il est temps.

Paul Celan   Pavot et mémoire  Trad Valérie Briet, ed Christian Bourgois, 1987

*

Corona

Lâautomne me mange sa feuille dans la main : nous sommes amis.
Nous délivrons le temps de lâécale des noix et lui apprenons à marcher :
le temps retourne à lâécale.

Dans le miroir, câest dimanche,
dans le rêve on est endormi
la bouche parle sans mentir.

Mon Åil descend vers le sexe de lâaimée :
nous nous regardons
nous nous disons de lâobscur,
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme un vin dans les coquillages,
comme la mer dans le rai de sang jailli de la lune

Nous sommes là enlacés dans la fenêtre, ils nous regardent depuis la rue :
Il est temps que lâon sache !
Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir.
quâà lâincessante absence de repos batte un cÅur.
Il est temps que le temps advienne.

Il est temps.

Traduction de Jean-Pierre Lefebvre, in Paul Celan, Choix de poèmes réunis par lâauteur, Poésie/Gallimard

*

Corona

De ma main lâautomne grignote sa feuille : nous sommes amis.
Nous écalons le temps hors des noix et lâinstruisons à marcher :
le temps rentre dans lâécole.

Dimanche au miroir,
on dort dans le rêve,
la bouche parle vrai.

Mon Åil descend jusquâau sexe de lâaimée :
nous nous regardons,
nous nous disons des paroles obscures,
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme le vin dans les conques,
comme la mer dans le rayon de sang de la lune.

Nous sommes à la fenêtre enlacés, ils nous regardent de la rue :
il est temps que lâon sache !
Il est temps que la pierre consente à fleurir,
quâau désarroi batte un cÅur.
Il est temps quâil soit temps.

Il est temps.

Traduction de John E. Jackson, in Paul Celan Poèmes. Corti


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